Yann Orpheus Blog

Bon, on ne va pas se mentir, on est loin d’un chef d’œuvre qui restera dans les annales du studio. Sympathique mais pas de quoi se répandre en louanges. Peut-être un poil confus, peut-être un poil trop déjanté dans le fantastique, je ne sais pas. Peu importe, là n’est pas le sujet de ce billet. En fait, hormis Splat, la petite créature bleue trop choupinette, il n’y a qu’une chose qui m’a tenu en haleine, c’est d’imaginer les familles type M4nifPourT0us rentrer en ébullition devant le choix délibéré d’avoir un personnage ouvertement pédé. Et bien évidement je n’ai pas pu m’empêcher de le faire savoir sur Twitter.

Je n’avais pas du tout envie de voir Disney traiter la découverte de l’homosexualité ou même le coming out, des sujets un peu trop chargés pour qui fait ses premiers pas dans l’inclusivité. Aussi j’ai trouvé plutôt intelligent l’axe qui a été choisi. Ethan est donc un jeune ouvertement gay, il a un amoureux et des parents qui l’acceptent, tellement bien qu’ils peuvent être maladroits au point d’en être gênants. Voilà. Et puis c’est tout. Le reste de l’histoire est une aventure familiale épique dans un monde extraordinaire qui n’a absolument rien à voir avec l’orientation sexuelle du jeune héros. Le plus simplement du monde, Disney dit à son public « Tu peux avoir des sentiments pour une personne de même genre que toi. Cela ne t’empêchera pas d’être brave, d’avoir des valeurs et de vivre des aventures comme n’importe quel autre individu. Il ne s’agit que d’une composante de ta personnalité ». Je n’en demandais pas plus de leur part, alors bien évidemment, j’applaudis.
Mais manifestement, cela n’a pas été du goût de tout le monde. Et comme d’habitude, quand un homophobe est pris à rebrousse-poil, il ne peut s’empêcher de débusquer l’ennemi pour bien le lui faire savoir. Même si je provoquais un peu, je n’attendais pas de réponse à mon tweet. À ma grande surprise, j’ai eu droit à un feu d’artifices ! Petit florilège…

Le mec n’avait pas tweeté depuis 6 mois (et n’a pas tweeté depuis). Et il s’en tape tellement qu’il se devait de rouvrir son application, faire une recherche sur qui parlait du film, et lui voler dans les plumes. Perso, quand je m’en tape, je passe à autre chose… Là, on est dans l’exemple type de l’homophobe piqué à vif qui se doit de réagir, comme si son honneur en dépendait. Ridicule.

Là le mec part en vrille. On n’est plus dans l’expression d’une orientation sexuelle, mais carrément dans une version pornographique du dessin animé. J’aurais tout aussi bien pu lui demander si lui est heureux de voir que Jasmine s’empale sur la teub d’Aladdin. Ma réponse aurait été au niveau de débilité de la sienne. Bien évidemment, lui expliquer qu’on n’est pas obsédé par la sexualité, et qu’on trouve que la représentation des orientations sexuelles autre que l’hétérosexualité est importante pour la construction des jeunes concernés, est une démarche vaine tant le cerveau de ce genre d’interlocuteur est étriqué.
Quand tu en arrives à ce genre de réactions extrêmes, on peut également se demander si tu ne transfères pas des fantasmes refoulés un peu trop longtemps…

Dans la série “je ne suis pas homophobe mais je suis préoccupée par le bilan financier de Disney ». Huhuhu… Tous les prétextes sont bons pour manifester son mécontentement. Certes les premiers jours d’exploitation tendent à dire que ce film est loin de faire un gros score, mais c’est amusant de voir que cette personne en attribue la cause exclusivement à l’orientation sexuelle d’un seul personnage et d’un arc narratif qui occupe à peine 1% de l’intégralité du film.
Quand tu vois les sexualités qui ne sont pas la tienne comme un ver dans un fruit qui pourrit tout un verger…

Aaaah, le fameux spectre du wokisme tant redouté par les conservateurs d’un autre siècle. Je suis quand même en admiration devant celui qui a réussi à nous pondre/récupérer cette expression. Impossible aujourd’hui pour un réac de dire qu’il est contre l’égalité des individus, trop frontal. Mais camouflé derrière un vocable abscons, ça passe crème. Du moins, ils ont cette illusion… À chaque fois que quelqu’un se lance dans une diatribe contre le wokisme, je me fais un plaisir de lui demander ce qu’est le wokisme, juste pour le voir se contorsionner à expliquer le mal là où il n’y en a pas. Et ça, c’est juste du sadisme, huhuhu.

Ou comment la simple évocation de l’homosexualité risque de mettre en danger l’équilibre du modèle patriarcal de la famille hétérosexuelle traditionnelle. Mouarf ! Comment peut-on manquer de reconnaissance quand on a un tel pouvoir de destruction de la civilisation ? Mouarf. Que de fragilité dans cette réponse, un vrai délice…
(NotaBene : Cerise sur le gâteau, cette personne n’est suivie que par une femme qui s’avère être une porn-slut. Aucun problème, juste cela donne une perspective savoureuse au discours famille-éducation du bonhomme…)

Au-delà de la vulgarité, l’utilisation du terme « propagande » est intéressante. Dans l’esprit de celui-là, nous devenons de dangereux individus pervertissant la civilisation avec nos mœurs. De plus en plus fragile…

Et un petit dernier pour la route, où le gars fait un long laïus pour finalement dire qu’il s’en fout… Logique, hein !

En fait, cette homophobie latente ou assumée ne montre que deux choses :

• La représentativité des personnages LGBT dans les fictions est importante.
• Il y a encore du boulot à faire pour que la diversité soit indiscutablement admise.

Toutes ses réactions ne font que me conforter dans mes applaudissements de la démarche de Disney.

Dommage finalement que cet Avalonia ne soit pas le grand film à la hauteur de ses intentions…