Yann Orpheus Blog

Margot aime aller à l'école. J'ai alors du lui expliquer pourquoi elle n'irait pas aujourd'hui. Une maman blogueuse avait eu une idée pour faire pression sur l'Education Nationale et contraindre le Ministre à prendre rapidement une décision et rétablir Garfieldd dans ses fonctions de proviseur. Elle a contacté le site www.soutenons-garfieldd.org qui s'est chargé de propager l'information aux quatre coins de l'hexagone. Afin de montrer que les parents d'élèves sont en désaccord avec les motifs de cette révocation, ils n'enverront pas leurs enfants en classe ce lundi. Une cinquantaine de parents avait répondu favorablement à l'appel. Chacun avait contacté ceux des amis de leurs enfants pour qu'ils se joignent au mouvement. On pouvait espérer un absentéisme militant d'un millier de têtes blondes. Ce n'était pas énorme, mais si chacun expliquait aux maîtres, professeurs, et proviseurs des écoles, collèges et lycées concernés pourquoi nous autorisions nos enfants à sécher cette journée, nous étions persuadés que le message serait immédiatement relayé dans toutes les académies pour finir le jour même en haut lieu sur le bureau du ministre...

Lundi, j'ai donc commencé par présenter Garfieldd à Margot.
- Tu vois, il est proviseur, comme Monsieur Simon dans ton école.
- Tu dis n'importe quoi, Monsieur Simon, il est directeur, il n'est pas proviseur.
- Proviseur c'est le nom du directeur dans les collèges et les lycées. Là, où tu iras après.
- Ah d'accord! Et pourquoi il lui arrive des problèmes à ce Monsieur Garfieldd?
- Et bien, il a été renvoyé et nous sommes nombreux à penser que ce n'est pas juste.
- Qu'est-ce qu'il a fait?
- Il tenait un blog sur internet comme toi et moi, comme Justine ta copine. Et son patron n'a pas aimé ce qu'il y a lu.
- Qu'est ce qu'il a écrit de mal?
- Rien. Il racontait sa vie comme toi sur ton blog. Avec son travail, ses joies et ses peines, ses amours.
- Et Madame Garfieldd, elle en dit quoi?
- Il n'y a pas de Madame Garfieldd... Il est comme Papa Jièm et Papa Orpheus.
- Oui, bon d'accord. Mais tu vois qu'est ce que je veux dire. Il n'est pas tout seul, il a quelqu'un pour l'aider?
- De la famille, des amis et puis plein de gens qui essayent de faire changer d'avis son chef. C'est ce que nous faisons aujourd'hui toi et moi. Je te l'ai expliqué.
(sonnerie de téléphone)
- Je vais répondre.
- Attends, Margot. J'ai sélectionné pour toi quelques billets de son blog. Tu ne veux pas les lire plutôt? Ils sont dans le fichier word sur le bureau de ton ordinateur. (ndlr: Non mais, j'hallucine. A 8 ans, la gamine a son propre PC... Spoiled brat!)

Ni une ni deux, Margot s'était enfuit en courant dans sa chambre, me laissant répondre au téléphone.
C'était Monsieur Simon au bout du fil qui me faisait une kyrielle de reproches quant à mon attitude irresponsable d'impliquer mon enfant pour faire pression, de lui apprendre le chantage par la grève et tutti quanti...
Je lui répondis que ce n'était pas une journée perdue pour elle puisqu'elle allait apprendre aujourd'hui la solidarité et le refus de l'injustice. Après quelques échanges houleux et quelques piques homophobes, je raccrochais le téléphone. Margot était toujours à lire sur l'écran les textes que je lui avais préparés.
- Ça va, tu t'en sors?
- Oui. Mais laisse-moi, je me concentre, il y a des choses que je ne comprends pas.
- Très bien, je suis dans la cuisine si tu veux me poser des questions. Après manger, nous discuterons de tout cela. Il faudra aussi écrire une lettre à Monsieur Simon pour justifier ton absence d'aujourd'hui.
- C'est la peine, tu crois? Il comprendra Monsieur Simon.
- Oui, c'est la peine. Ce n'est pas bien de manquer l'école. Alors, il faut s'excuser et dire pourquoi.

L'après-midi, après avoir éclairci quelques interrogations de Margot, nous étions ensemble à rédiger notre mot d'excuse à Monsieur Simon en prenant soin de la mettre en copie pour le rectorat.
- Dis Papa, t'es d'accord si on fait un marché?
- Vas-y, je t'écoute?
- Toi tu fais la lettre de Monsieur Simon, et moi je fais un dessin pour Monsieur Garfieldd.
- C'est d'accord.
- Et dis-lui bien que ce n'est pas juste et que je veux Monsieur Garfieldd comme proviseur quand je serai à la Grande Ecole...
- Viens là que je t'embrasse, ma chérie.

\o/

C'est à ce moment là que le réveil de "Papa Jièm" s'est mis à sonner. Nous ne saurons donc pas si ce mouvement a porté ses fruits...

Monsieur le Ministre, soyez aimable en rendant rapidement une décision favorable à Garfieldd. Comme vous pouvez le constater, toute cette affaire nuit gravement à ma santé mentale!
Par ailleurs, je pourrai prendre goût à la paternité (on ne sait jamais!) et là, c'est un tout autre problème...