Yann Orpheus Blog

Le plus jeune des deux vient de se séparer de son mec et se demande s'il n'a pas fait un mauvais choix. L'autre essaye de lui remonter le moral en descendant en flèche l'ex en question.
-"Tu ne te rends pas compte, avec lui tu perdais complètement ton identité. C'est bien simple, je ne te reconnaissais plus. Et puis bonjour les coups qu'il t'a faits. Non, crois-moi, tu as bien fait."
La bonne copine! J'ai plutôt l'impression qu'elle était un brin jalouse!
-"D'accord, il est loin d'être le keum idéal, mais globalement ça allait. Je crois que je l'aime encore."
-"Et puis il est vieux. A 27 ans, il a cinq ans de plus que toi. C'est énorme!"
Quelle conne! Je m'en vais lui balancer mon guide dans la gueule si elle continue.
-"Moi quand je le voyais au début, j'avais l'image d'un héros. Il m'a sauvé de la déchéance, tu connais l'histoire."
-"Ouais, et bien ton héros, son armure, elle a pris l'eau. Jette-le."
-"C'est fait, merci." dit-il avec du regret dans la voix. "Tu as raison. Ce n'est pas le héros de ma vie. Je l'aime toujours mais je mérite mieux."
Leur conversation continuera avec déballage de la souffrance de la rupture, etc, etc...

Je me suis retenu. A deux reprises, j'ai bien failli intervenir. Et puis, je me suis dit qu'à 33 ans, j'allais passer pour un (très) vieux con qui la ramène, ou pire encore qui essaye de le draguer. Et puis, gérer les problèmes d'une rupture amoureuse est une expérience de la vie par laquelle il faut bien passer.
A 22 ans, il connaîtra bien d'autres ruptures. Qu'est-ce qu'il croyait, qu'il allait finir sa vie avec un garçon rencontré si jeune? La vie m'a montré qu'on se relève toujours des histoires de coeur. Pas de quoi s'inquiéter. Je remballe mes affaires, termine la dernière goutte de mon Café-Mocha-Canelle et m'en vais voir mon film.

Aujourd'hui, je repense à ces deux jeunes. Et surtout à leurs exigences en matière d'amoureux parfait. En effet, il y a bien un fossé qui sépare les vingt-et-quelques des trente-et-quelques.
A vingt ans, on est sans concession, on veut l'homme idéal, le héros qui fera battre le coeur à 200 à l'heure, dont on sera amoureux pour la vie et pour lequel on sera prêt à sacrifier la sienne.
A trente ans, on a vécu un peu plus. On sait que l'homme idéal est un mythe, qu'il faudra faire des aménagements avec les désirs de chacun. On sait également que personne ne mérite qu'on sacrifie sa vie.
A vingt ans, quand on dit "Je crois que je l'aime encore", le "je crois" est de trop et entraîne bien souvent la rupture.
A trente ans, quand on dit "Je crois que je l'aime encore", c'est souvent une raison suffisante de rester.
A vingt ans, on est exigent. Il faut que l'autre corresponde à pleins de critères.
A trente ans, on l'est moins.

En fait, je crois que même à vingt ans, quand on croit aimer encore quelqu'un, cela mérite qu'on fasse l'effort d'essayer d'arranger les choses. Ce serait tellement dommage de le regretter dix ans après.
C'est loin d'être ce que j'ai fait à vingt-et-quelques années. S'il n'y avait pas Jièm aujourd'hui, qui sait si certains choix de l'époque n'auraient pas comme un parfum de regret aujourd'hui?

Jièm n'est pas celui que j'aurais choisi à vingt ans.
Lui-même dit qu'à l'époque, je ne me serais même pas retourné sur lui.
Jièm n'est pas l'homme idéal.
Mais moi non plus!
Jièm n'est pas le héros ténébreux dont j'aurais pu rêver, mais je suis content de l'avoir rencontré au bon moment.
Après cinq ans, il y a toujours de l'amour entre nous.
Tout n'est pas aussi rose qu'à notre rencontre, mais tant qu'il y a de l'amour...

(Billet idéal pour s'écouter 'Holding out for a hero' version Jennifer Saunders)