Dissoudre dans l’acide đŸ—łïž

Avant-propos

Sauf nouveau coup de thĂ©Ăątre, il n’y aura pas d’autre billet politique sur ce blog Ă  l’occasion de ces lĂ©gislatives anticipĂ©es (prĂ©cipitĂ©es serait certainement plus exact). Tout simplement parce que je n’ai pas besoin de voir comment vont se goupiller les choses pour dĂ©cider de mon action. Tout me semble d’une telle limpiditĂ© qu’il n’y a pas, pour moi, d’alternative possible. Et que les choses soient bien claires, je n’essaye pas de vous convaincre de faire quoi que ce soit. Nous n’avons pas le mĂȘme vĂ©cu, le mĂȘme quotidien, les mĂȘmes aspirations pour le futur, il serait prĂ©somptueux de vous dicter quoi que ce soit. Je dis juste ici comment je ressens les choses. Constatations et dĂ©ductions personnelles.

Carte d'identité, carte d'électeur et enveloppe dans l'isoloir
Alea jacta est !

Retour sur ce dimanche 20 heures.

Les premiĂšres estimations viennent de tomber. Glups ! Pas vraiment une surprise, les sondages sont plus ou moins confirmĂ©s. Ça fait chier quand mĂȘme. Les invitĂ©s sur le plateau commencent leurs analyses dans une ambiance de veillĂ©e mortuaire.
Et Nathalie Saint-Cricq de lĂącher doctement quelque chose comme « ce que Macron redoute le plus est de devoir passer le relai Ă  l’ÉlysĂ©e au candidat du Rassemblement National ». J’explose devant tant de bĂȘtises ! Entre son acharnement sur la casse sociale, sa rĂ©pression de la contestation, son dĂ©dain des classes populaires et ses lois en faveur des plus riches, il a absolument tout fait pour en arriver lĂ  depuis sa Loi Travail sous Hollande. Macron est l’incarnation de l’usage de l’exaspĂ©ration comme marchepied pour l’extrĂȘme droite, ai-je vocifĂ©rĂ© devant l’écran de tĂ©lĂ© !

DING ! Reprise d’une conversation groupĂ©e par sms entre amis. L’un demande si « Macron va tenter le coup de Mitterrand en 86 ? Dissoudre et laisser gagner le RN pour qu’ils se crament et perdent ensuite la prĂ©sidentielle ». J’en avais justement parlĂ© avec mon pĂšre quelques jours plus tĂŽt. Je n’imaginais pas une seconde Macron faire cela pour deux raisons principales. La premiĂšre : il y a une grosse diffĂ©rence entre risquer une cohabitation avec un parti de droite qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© au pouvoir et un autre d’extrĂȘme droite avec toute la charge symbolique que cela impliquerait. La seconde : Quand bien mĂȘme il pourrait penser qu’une dissolution lui donne, grĂące Ă  l’électrochoc de ce scrutin catastrophique une nouvelle majoritĂ© au parlement et les moyens de gouverner sans avoir recours au 49.3, je le croyais d’un orgueil et d’un Ă©go tellement dĂ©mesurĂ© qu’incapable de l'aveu d’échec impliquĂ© par la prononciation d'une dissolution. Et puis, Macron, obĂ©ir Ă  l’ordre de Bardella qui rĂ©clamait cette dissolution, alors mĂȘme qu’il est accusĂ© de faire passer des lois d’extrĂȘme droite, naaaaah ! Je l’entends encore dĂ©clarer pendant la campagne qu’il ne « faut pas tirer des consĂ©quences nationales d’un scrutin europĂ©en ». Il peut difficilement se contredire si rapidement. Et tout cela alors que la planĂšte a les yeux rivĂ©s sur le pays Ă  quelques semaines des jeux olympiques ! Naaaa, Je n’y crois pas une seconde.
Heureusement que je n’ai jamais prĂ©tendu ĂȘtre un fin analyste politique !

Quinze minutes plus tard, son allocution tombe comme un pavĂ© dans la mare. Il dit dissoudre l’AssemblĂ©e nationale. Et pour cela, il n'hĂ©site pas Ă  verser de l’acide sulfurique sur le pays entier
 Est-ce que l'Ă©go de MĂŽssieur aurait Ă©tĂ© blessĂ© d'avoir pris part Ă  une campagne Ă©lectorale lamentablement perdue et prĂ©fĂšrerait que les commentateurs parlent de l'organisation de lĂ©gislatives anticipĂ©es plutĂŽt que de sa responsabilitĂ© personnelle dans cet Ă©chec ?
Ma premiĂšre pensĂ©e a Ă©tĂ© « p'tain, je pensais avoir encore 3 ans pour me prĂ©parer psychologiquement Ă  l’arrivĂ©e du RN au pouvoir, et je n’ai que 3 semaines en fait ! ».
Ce dĂ©lai de 3 semaines avant le premier tour est d'ailleurs un nouveau croche-pied Ă  la gauche. En choisissant la date courte de la fourchette constitutionnelle ("entre 20 et 40 jours"), il compte bien Ă©videmment minimiser les risques d’alliance de l'opposition. Encore une fois, le message de ces derniĂšres annĂ©es est clair : « PlutĂŽt Hitler que le Front Populaire Â».

Je ne sais plus quelle heure il Ă©tait quand la prise de parole de Ruffin a Ă©tĂ© annoncĂ©e. N’étant vraiment pas un fan du gars, je m’apprĂȘtais dĂ©jĂ  Ă  soupirer et lever les yeux au ciel. Et puis je l’ai entendu dire des choses comme « Dans les annĂ©es 30, on a fait le Front Populaire, on n’a pas fait le nazisme, on n’a pas fait le fascisme. (
) Dans ce contexte-lĂ , on n’a pas le choix, il faut qu’on arrĂȘte les conneries et qu’on soit le plus unis possible (
) Est-ce qu’on veut gagner ensemble ou est-ce qu’on veut perdre sĂ©parĂ©s, voilĂ  l’alternative », des choses que j’avais certainement besoin d’entendre ce soir-lĂ . Et j’ai applaudi.
J’ai veillĂ© tard et ai eu beaucoup de mal Ă  trouver le sommeil


Le jour d’aprùs


J’ai passĂ© la journĂ©e Ă  m’énerver Ă  chaque fois que j’échouais Ă  ne pas parcourir les sites d’infos ou les rĂ©seaux sociaux. Exactement ce que je redoutais
 À gauche, c’est la danse des sept voiles avec les conditions et exigences de chacun dans la corbeille de la mariĂ©e. Untel veut ceci dans un programme commun, untel veut machin en premier ministre, untel ne veut pas de ceci, untel ne veut pas de cela
 Et cĂŽtĂ© Ă©lecteurs, ce n’est guĂšre mieux « S’il y a untel dans le Front Populaire, c’est sans moi ! » 
Je repense Ă  mon billet de blog prĂ©cĂ©dent sur les tergiversations stĂ©riles et suicidaires de l’électorat.
Certains me font repenser Ă©galement Ă  cet autre billet « Le Silence des Pantoufles » 
Je soupire un peu. Beaucoup

J’apprends finalement dans la soirĂ©e qu’un accord aurait Ă©tĂ© trouvĂ© entre les partis de gauche pour former un Front Populaire. Je m’endors en me disant que finalement, une date proche pour le premier tour n'est pas plus mal. Cela les empĂȘchera peut-ĂȘtre de se carboniser en plein vol d'ici là


Aujourd’hui


Pendant que Marion MarĂ©chal propose au RN l’annexion de ReconquĂȘtes sous les yeux mĂ©dusĂ©s d’un Zemmour castrĂ© (cheh!), et qu’Eric Ciotti tend le fessier des RĂ©publicains Ă  Jordan Bardella, les dissensions reprennent chez les citoyens de gauche. Chacun y va de sa petite phrase « Oui, mais untel, il est antisĂ©mite », « oui, mais untel, il est de droite en vrai », « oui, mais
 », « oui, mais
 ». Ad nauseam


RuPaul en drag queen frappe dans ses mains et réclame le silence

Et puis j’apprends finalement que le PS aurait dĂ©menti avoir actĂ© un accord la veille, mais que les discussions seraient toujours ouvertes
 Entre Faure et Glucksmann, le message n’est pas clair !
Si vous avez entendu hurler, ne cherchez pas, c’était moi. P*tain, les gars, essayez au moins d’avoir un mĂȘme son de cloche dans votre Ă©glise !
Bref, Ă  l’heure oĂč j’écris ces lignes, on ne sait plus

Grosse Fatchigue


Alors le jour du scrutin ?

Je  n’ai pas besoin de savoir qui composera ce Front Populaire pour leur donner ma voix.
Je n’ai pas besoin de savoir ce qu’il y aura dans le programme.
Et je me fous de savoir qui tel parti veut comme Premier ministre, puisque ce choix revient au prĂ©sident et Ă  lui seul. (Soyons lucides, il n’en fera rien qu’à sa tĂȘte).
Tout cela ne me semble que détails et chipotages compte tenu de la gravité de la situation.
Je suis le genre d’électeur qui sait qu’il n’aura jamais satisfaction Ă  100%.
Je suis le genre d’électeur qui a toujours fait des concessions.
Je suis le genre d’électeur qui sait se faire une raison

Je suis Ă©galement le genre d’électeur qui a pris l’habitude de perdre une Ă©lection


Ceci dit
 Deux choses encore...

1/ Je ne sais pas si « on » gagnera ensemble, mais l’échec en cas de division est certain. Ainsi, que ceux qui feront Ă©chouer ce Front Populaire, quels qu’ils soient, ne comptent plus jamais sur mon vote. S’ils ne sont pas capables de prendre leurs responsabilitĂ©s Ă  cette occasion et de mettre de cĂŽtĂ© leur fiertĂ© et intĂ©rĂȘt personnel, ils perdront dĂ©finitivement toute crĂ©dibilitĂ© politique Ă  mes yeux.

2/ Dans le cas de figure d’un second tour oĂč ce Front Populaire serait absent, je prĂ©cise qu'il ne faudra pas compter sur ma participation.
Macron a eu mon bulletin (par procuration – je nierai toujours avoir touchĂ© un bulletin de droite !) au 2nd tour de 2017 et j’ai vu ce qu’il en a fait : de la droite extrĂȘme pour ne pas dire de l’extrĂȘme droite. Pendant tout le premier quinquennat, j’ai eu l’impression d’une part de responsabilitĂ© dans la rĂ©pression de la contestation. Je me suis jurĂ© de ne plus jamais faire barrage de ma vie. Je me suis abstenu au 2nd tour de 2022. Au final, son mandat actuel est encore plus dur que le prĂ©cĂ©dent, mais au moins, je n’ai pas ce sale goĂ»t d’y avoir contribuĂ©.
Depuis, je dis qu’il ne m’appartient plus de dĂ©partager la droite extrĂȘme de l’extrĂȘme droite. Not my monkeys, not my circus ! Si les Français me poussent Ă  un choix impossible, qu’ils assument de me voir leur tourner le dos. Demerden Sie sich !

On me dira que je fais courir le risque de l’arrivĂ©e des fachos. Yep. J’en suis conscient. Mais il faut ĂȘtre conscient aussi que tant que des abrutis abreuvĂ©s par des mĂ©dias n’auront pas fait l’expĂ©rience de l’extrĂȘme droite, ils continueront de croire que lĂ  est la solution Ă  tous leurs maux. Il viendra un jour oĂč il ne sera plus possible de faire barrage au RN, surtout en votant pour des personnes qui s’acharnent Ă  lui faire la courte Ă©chelle. Je n’arrive plus Ă  croire qu’on aura un rĂ©sultat diffĂ©rent en s’acharnant Ă  refaire tout le temps la mĂȘme chose. On me dira qu'Ă  cause de gens comme moi, nous risquons d'avoir honte de notre prĂ©sident. Vous savez, je vis avec ce sentiment depuis Chirac. Vous verrez, on s'y habitue !

Je ne dis pas que j’ai raison, soyez-en certain, juste que la goutte d’eau a fait dĂ©border le vase et que la participation Ă  ce cercle vicieux des votes de barrage m’est devenue insupportable.
Je ne dis pas que j’ai raison, juste que je n’ai plus la force.
Désolé les copains-copines si je vous déçois...

(Pour ĂȘtre tout Ă  fait honnĂȘte, je dois Ă©galement prĂ©ciser que pour ce scrutin des lĂ©gislatives, sauf Ă©vĂ©nement cataclysmique, je devrais ne faire courir aucun risque Ă  la dĂ©mocratie en agissant de la sorte. Ma circonscription du 18e arrondissement parisien est acquise Ă  n’importe quel candidat de gauche en solo ou en groupe
 Que ce soit nĂ©anmoins consignĂ© pour les scrutins Ă  venir
)

En rĂ©sumĂ©, je veux bien faire l’effort de voter pour n’importe quels candidat et programme estampillĂ©s Ă  gauche.
Mais cet effort a un prix : celui de ne plus ĂȘtre capable d’en faire davantage.

 

(Plus que jamais, épargnez-moi de répondre sur les réseaux sociaux. Ne créez pas des discussions insupportables pour vos timelines qui n'ont rien demandé. Vous avez un espace pour vous exprimer plus bas. Merci.)

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