J'éponge donc je suis

Absorber comme l'éponge

Plus les années passent, plus je constate que je développe une certaine propension à l'empathie. Je n'ai jamais eu un coeur de pierre certes, mais il fallait quand même que les joies et peines d'autrui dépassent un certain seuil pour qu'une émotion extrême me gagne.
Je ne parle pas ici des bonheurs et tracas de "mes" proches auxquels j'ai toujours réagi. Ni de conséquences qui causeraient chez moi une réaction fugace telle qu'un éclat de rire ou un petit chagrin. Je pense ici aux émotions des inconnus que je croise, qui ont des répercussions significatives en affectant mon humeur durablement.
Certaines situations peuvent provoquer un large sourire que je vais arborer tout au long de la journée, quitte à passer pour une Joconde qui se serait fait tringler comme jamais. Et inversement, la vue de certaines scènes peuvent m'émouvoir au point de devoir aussi discrètement que possible essuyer des perles de rosée lacrymale au coin des yeux. Il y a aussi les visions de malheur qui me plongent dans un malaise avec la boule à l'estomac qui ne me quitte plus jusqu'au lendemain.

Une éponge!
Voilà ce que je suis devenu.

Faites couler vos émotions, je passe à côté et j'absorbe (non, je n'ai pas dit que je pompais à tout va!).
Je ne suis pas un vampire ou un saint pour autant. Ce n'est pas comme si je délivrais de la tristesse ou me nourrissais du bien d'autrui. Non, je ne vole pas vos émotions (je crois d'ailleurs qu'on ne peut pas partager le "poids de la peine"). Juste, je ressens...
Je ne crois pas m'identifier à la personne ou me mettre à sa place. Je crois juste comprendre ce que cette personne ressent, et parfois, je le ressens à mon tour.
Je dois certainement me planter parfois car je ne vais pas jusqu'à pousser le vice en vérifiant ici et là l'exactitude de mes perceptions. "Heu bonjour monsieur, là vous semblez vous tordre de misère, vous permettez que je me torde avec vous?". Non, faut pas déconner... Je dois aussi certainement transférer pas mal de mes propres émotions du moment. Il faudrait peut être que j'analyse tout ça en détail, au cas par cas...

Je disais donc que cette forte sensibilité (j'allais écrire excessive) avait tendance se développer. Il n'y a plus seulement les visions de scènes de la vie réelle. Il y a également la lecture des blogs, ces fenêtres ouvertes sur la vie de chacun. Vos bonheurs et vos peines traversent mon écran et influent sur mon état. Je ne vais pas donner d'exemples, non, non, je vous fais grâce de cela. Mais c'est parfois assez déroutant.

Pire encore, je me laisse de plus en plus avoir par les émotions fictives! Je ne compte même plus le nombre de fois où l'année dernière j'ai versé ma larme dans une salle de cinéma. Pourtant quand même! C'est souvent orchestré, calculé... Enfin bon...
Mon blindage rouille et je deviens davantage perméable.

Parfois, il y a même mutation d'une émotion d'un extrême à l'autre. L'autre jour dans le métro, un petit mouflet discutait de tout et de rien avec son père. Et puis, sans que cela ait le moindre rapport avec les propos en cours, le gamin fixe son pater droit dans les yeux et lui décoche un "tu sais, papou, je t'aime" en plein dans le mille. L'autre est devenu tout rose de bonheur, son visage s'est fendu d'un large sourire.
Poum Poum... Poum Poum... Augmentation du rythme cardiaque. Pfffiuuu... Bouffée de chaleur... Clignotements des paupières... Je me lève et préfère pudiquement descendre à Gare du Nord plutôt que de poursuivre jusqu'à Stalingrad. Tuuuuuuuut! Avant que les portes ne se referment, un dernier coup d'oeil aux protagonistes. Il est toujours bouche bée et le gosse lui saute au cou pour l'embrasser.
La goutte d'eau fait exploser la coupe déjà trop pleine et la fontaine oculaire se met à déborder à tout va. J'ai été secoué par cette vague de bonheur sur les dix minutes qu'il me faut pour rejoindre La Chapelle et rentrer chez moi. J'étais viscéralement parcouru par la joie que j'imaginais être celle du père (mais si ça se trouve pas du tout... il n'est que son père adoptif, n'en a rien à carrer du gamin et ne sait pas comment lui dire qu'il va l'abandonner à la station Jaurès). Pendant un bon moment encore, je suis resté avec eux en pensée, imaginant leur amour l'un pour l'autre.
Là seulement, à l'abri dans mon cocon, je me suis projeté dans cette histoire. Je me suis dit que jamais un "petit bonhomme" ne me tiendra ces belles paroles. Et là, j'ai basculé en deux secondes de l'autre côté, dans le côté obscur de la force. Boule à l'estomac, gorge serrée, etc, etc... jusqu'en fin de soirée...
D'un extrême à l'autre!

Après tout, je suis peut-être comme tout le monde.
Etais-je un sale con égoïste qui deviendrait un être humain attentionné?
D'un autre côté, ce billet est sur le mode "je... je... je... moi... moi... moi...".
Tout n'est donc pas perdu, j'éponge certes, mais en restant un petit connard nombriliste...

 

NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.

Ce billet a reçu les commentaires suivants :

Ozz :
Phoebe de Charmed, sors du corps d'Orpheus immédiatement! lol

Tof84 :
Mais non! pourquoi serais tu un petit connard nombriliste? bien au contraire cette façon de mettre ton coeur sur la table et toutes ces émotions que tu nous transmet ne sont que partages d'Amours. Merci d'être ainsi, nous on t'aime! snif...

lo :
jolie déclaration d'un gentil sensible souriant

nat :
Il y a quelques temps, je me suis aperçue que j'épongeais aussi. Et avec le recul, j'ai remarqué que plus je me découvrais, plus je faisais tomber mes blocages et conditionnements, plus j'étais receptive. Je ne connais pas encore la fin mais je me demande si en finalité ce n'est pas de n'être plus soi mais tous et d'aller ainsi vers ce que la religion (et autres) appelle l'Amour ?

Tatou :
Ou alors, tu es atteint du trouble bipolaire. Attention à ça.

Orpheus :
Ozz > ptdr! bonjour les références! :)
Tof84 > si tenir un blog de type perso n'est pas une démarche un minimum nombriliste quand même...
nat > Hé bé... Me v'la dans de beaux draps :)
Tatou > Le début de la folie douce et furieuse en somme... Sympa, ça! J'en connais une qui va être enchantée-ravie de me savoir bipôletruc...
lo > sensible... et pitête bargeot aussi donc :)

Mel'O'Dye :
mééénaaann ... ça prouve juste que t'es un garçon équilibré ET sensible c'est tout ... et que tu passes pas les 3/4 de ton temps fixé sur ton nombril, sinon tu les verrais pas les joies et les peines autour de toi ...
;-*

Panama :
Euh... C'est marrant mais une de mes expressions préférées est "on ne peut pas aimer les autres si on ne s'aime pas soi-même".
Bref, empathie, sympathie... pour l'instant tout ça c'est pour moi.

Tof84 :
J'insiste
Orphéus, si tu étais si nombriliste tu toiserais en te souciant peu d'autrui et comme tu nous démontres le contraire... et tenir un blog n'est qu'un tantinet démagogue sans plus...

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