La vieille dame d'en face

Une grand-mère au balcon

Agitation au quatrième étage en face de chez moi.

Depuis sept ans que j'habite ici, il y avait une certaine routine chez ce petit couple de vieux. Le matin, ils déjeunaient ensemble à la table du salon. L'après-midi, il faisait sa sieste dans la chambre pendant qu'elle regardait je-ne-sais-quelle série télévisée. Et quand 19h30 devait sonner à la grande horloge comtoise du salon. Ils passaient à table. Certainement une assiette de soupe. Sans paire de jumelles, je n'arrivais pas bien à voir et certains détails m'ont échappé. Un petit couple de vieux tout à fait normal.
Bon oui, d'accord, je matte chez les gens...Hier matin, ils sont venus avec leur tshirt rouge et leurs gros bras musclés. Des déménageurs. Ils ont commencé par faire des cartons, puis ont démonté quleques meubles. Peu après, l'appartement se vidait par la fenêtre de la salle à manger. D'autres déménageurs en bas entassaient le tout dans un camion.
J'avais repéré la grand-mère. Elle passait de fenêtre en fenêtre vêtue de sa robe de chambre bleue à grosses fleurs et donnait des indications aux intrus. Mais où était son époux? Nulle part... Serait-il...? La dernière fois que je l'avais vu, c'était en sortant du Monoprix. Il avait du mal à se déplacer et c'est sa femme qui tirait le caddie. La pauvre... C'est bien ça. Il a du clamser.
Pendant que la rose méridienne passait par la fenêtre, elle était penchée au balcon. Un dernier regard d'en haut avant de partir? Guettait-elle le retour de son vieux? Ou allait-elle le rejoindre en sautant? Si jamais elle sautait, cette pensée coupable me hanterait pour le reste de ma vie.

A la fin de la journée, l'appartement était vidé. Un autre homme discutait avec la vieille dame. Certainement son fils. Celui qui lui a trouvé un charmant hospice en banlieue où elle serait mieux maintenant qu'elle était seule. Celui qui va pouvoir vendre ce magnifique appartement de 4 pièces dans le XVIIIème. Vautour de fils.
Elle est retournée à la fenêtre, y est restée un petit bout de temps avant de la refermer. Une dernière fois. Avant de partir. Définitivement...

Aujourd'hui l'appartement d'en face est sombre, vidé de ses meubles et de ses occupants.
Je me demande alors qui me pleurera à ma fenêtre? Est-ce que Jièm sera encore là? Sans descendance, qui appellera les déménageurs? Riront-ils en découvrant ma collection de Têtu depuis le premier numéro dans mon placard? Où emporteront-ils mes meubles? Que fera-t-on de mes vêtements encore suspendus comme autant de vieilles peaux? Et mon PC, qui le récupérera et fouillera dans le disque dur? Quel enfant héritera de mon 2 pièces?

Je m'aperçois qu'il n'y aura personne après moi.
Glups.
Penser à prendre des dispositions.
Mais c'est peut-être un peu tôt encore.

J'aurai aimé terminer ce billet en vous disant qu'à la dernière minute, j'ai vu le grand-père réapparaître.
Mais non.

NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.

Ce billet a reçu les commentaires suivants :

Lo :
Le fils est peut-être un vautour, et peut-être pas. Peut-être veut-il aussi rapprocher sa mère de chez lui. Peut-être n'ira-t-elle pas dans un hospice, mais dans un autre petit appartement un peu plus adapté à elle maintenant. Peut-être ira-t-elle dans une maison de retraite, ou elle aura son petit studio et bénéficiera à la fois de son chez-soi, et de toute l'assistance dont elle peut avoir besoin. Tout ça pour dire que les enfants ne sont pas toujours des vautours : il arrive parfois que les circonstances dictent certains changements. Je viens de le vivre avec ma grand-mère.
Quant à notre propre futur, qui sait ce que la vie nous réserve d'ici là (en espérant qu'on aille au bout de notre espérance de vie, voire au delà!)? Qui sait les gens qu'on rencontrera, les personnes qu'on prendra sous notre aile et qu'on aura envie de mettre à l'abris (si on a de quoi, bien sûr). Qui sait si suite à un accès de folie, chris*tine bou*tin ne se battra pas pour faire passer le mariage et la coparentalité. Et sinon, ben on aura qu'à tout claquer avant!

Orpheus :
Arf, ça va mieux tout à coup !
Merci Lo.

Tati :
Rooo.... Tu te fais du mal ! Ils ne riront peut-être pas en découvrant ta collec de Têtu mais ta photo dans Je Paris : OUI ! souriant

Tof84 :
C'est vrai qu'un jour le problème se pose à plein de gens, pour ma part je me souviens de ma grand-mère qui ayant perdu son fils unique (mon père)n'était plus à même de vivre seule. Ce jour là elle venait de se laver les cheveux avec du décapant pour meubles...il fallait prendre une décision, qu'elle soit assistée dans un foyer était la meilleure solution, elle était d'accord surtout parce qu'elle ne voulait pas être un poid pour moi. Elle était bien , je venais souvent la voir et elle passait de temps en temps à la maison pour le WE.J'ai toujours pensé faire pour le mieux, je n'ai aucun regret de l'avoir poussée à faire ce choix même si à l'époque quoique j'ai pu faire j'ai été jugé de "Vautour".Grand-mère Germaine je t'aime!

Kliban :
(vous m'émouvez bien, vous, vous savez ?)

Orpheus :
Tati > Figure toi que je ne l'ai même pas vue... mais qu'on m'en a parlé...
Lo et Tof84 > Je m'aperçois que j'ai pu vous sembler dur à l'égard de celui que j'ai supposé être son fils. Tout cela n'était que présomptions. Je me suis imaginé un instant à la place de cette petite vieille et à l'instar de mes grands-mères, je crois que j'aimerai rester chez moi jusqu'au bout. Maintenant, je comprends que cela n'est pas toujours évident et que l'on peut être heureux ailleurs.
Kliban > (ah oui?! Vous m'en voyez flatté)

Lo :
je ne te faisais pas de procès d'intention non plus monsieur orpheus clin d`oeil j'ai bien compris que ton aigreur était plus destinée à cette fin de vie, seule et abandonnée de tous... MAIS TU CROIS QU'ON VA TE LAISSER TOMBER COMME CA? Meme avec de l'arthrite plein les doigts, et avec notre vieux PC parce qu'on aura rien compris à tous ces nouveaux gadgets complètement stupides et inutiles, on continuera à te lire et à te répondre.
A propos de vieux PC, pense à mettre tout de suite de côté sur un CD une version de flash, et met la dans une boite en fer, sous les nappes brodées dans le placard, pour plus tard. Parce qu'on est pas sur que ça existera encore dans quelques dizaines d'années (déjà que Adobe à racheter Macromédia...)!

Orpheus :
Lo > Merci, mais tu crois que j'aurai encore des choses à raconter à 70 balais ? Les émissions télé, les visites de l'infirmier et mes problèmes de santé... Putain ça va être passionnant! clin d`oeil
Sinon pas de souci pour mes programmes. Je les garde déjà au chaud...

Panama :
Bah, moi j'ai prévu de mourir à 90 ans en faisant pleurer les infirmières qui viendront me faire ma piqure quotidienne dans les fesses...
Mais ton histoire est triste, je déteste les déménagements, ça me rend nostalgique.

Orpheus :
Panama > On ne peut pas être drôle tous les jours...

Lo :
en fait, tu as raison. Ce n'est pas toi qui racontera tout ça, mais Ron l'infirmier version 2.0

Orpheus :
Lo > Parce que tu crois qu'il se shoote à l'eau de jouvence ?! Il en sera au même point que nous, non ?

Lo :
ah mais je croyais que c'était un robot japonais moi à écrire des posts sans arrêt et toujours aussi bien torchés

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