Mots Croisés de travers

Hier était diffusé sur France2 dans l'émission d'Arlette Chabot un débat pompeusement intitulé "Y a-t-il un pouvoir Gay?". En fait ce programme se proposait davantage de faire un état des lieux des dossiers homos en cours plus que de creuser la question du lobbying à proprement parler.

Très rapidement la parole est donnée au journaliste Philippe Tesson qui sur un ton passionné clamera à propos de la visibilité des gays que "c'est trop, c'est trop vite, c'est trop imprudent!". Pour lui la volonté d'indifférence que réclame les homos subit le contrecoup de l'ère du temps qui souligne la visibilité des pédés dans les média. Philippe Tesson voit du rose partout et manifestement, cela l'agace. Il continuera par nier le particularisme homosexuel de la culture gay, de l'humour gay...
Frédérique Anne, Présidente de l'association L'Autre Cercle lui explique que la visibilité actuelle est la conséquence directe de la "chape de silence" sous laquelle on a longtemps refusé de voir les homos. Elle lui démontre ensuite les dangers d'un tel raisonnement avant de conclure par un émouvant "Ce n'est pas parce qu'on veut être égaux qu'on veut être pareil."

Philippe Tesson : "Je voudrais exprimer la tristesse, l'inquiétude, l'embarras que provoque chez moi, je ne sais pas dire pourquoi mais je sais pourquoi, cette assimilation que vous faîtes un peu malgré vous d'ailleurs, entre le combat pour le droit de la femme et le combat pour les droits des homosexuels. C'est embêtant ça, il y a quelque chose intellectuellement et moralement qui n'est pas, si je puis dire, très catholique là-dedans, qui n'est pas sain".
Et revoilà le bon vieux spectre du catholicisme! Monsieur Tesson, sachez qu'il n'y aurait pas de volonté de voir des droits s'il n'y avait pas eu auparavant des discriminations et des violences. Le parallèle peut être fait avec les droits de la femme. Elles n'avaient pas le droit de vote (chose qui paraît inconcevable aujourd'hui), et se sont montrées, se sont fait entendre pour l'obtenir.
Je ne souhaite pas me marier. Mais le simple fait que je fasse partie de la seule frange de citoyen de la république a qui on refuse ce droit (et les avantages sociaux que cela implique) est quelque chose qui me révulse. La République dans son texte de Constitution exprime sa volonté d'un même droit pour tous. Un Pacs amélioré n'est pas le même droit puisqu'il a un nom différent. Si le Pacs doit procurer les mêmes droits que le mariage, pourquoi lui donner un nom différent. En plus d'être de la discrimination, ce serait de l'hypocrisie qui n'aurait pour conséquence que d'ajouter l'insulte à l'affront.

Envie de lui jeter des tessons de bouteille. Je ne voulais plus m'emporter. Par conséquent, j'ai commis le seul acte militant possible en réponse à Monsieur Tesson : Lui couper le son à chacune de ses interventions. Le voir grimacer me suffisait à comprendre la teneur de ses propos.

Heureusement, le débat a eu des angles plus intelligents sur la lutte contre l'homophobie avec une discussion intéressante sur la proposition du projet de loi de décembre, ainsi que sur l'homoparentalité où Monsieur Bloche (élu PS), et Pascal Houzelot (Président de PinkTv) ont souligné qu'il s'agissait là d'une urgence puisque, même en dehors du cadre de l'adoption, il existe déjà de nombreux enfants qui ont deux parents de même sexe, que les propos des bien-pensants choquent déjà bien plus qu'on ne pourrait le croire.
Frédérique Anne souligne avec intelligence que contrairement aux couples hétérosexuels, qui font des enfants naturellement, parfois sans se poser de question, les homosexuels savent PAR EXPERIENCE PERSONNELLE, quels sont les problèmes que leurs enfants risquent de rencontrer, que ce soit à l'école ou dans la société. Avant même la naissance ou l'arrivée de l'enfant au sein du couple, la question s'est posée et a entraîné une réflexion qui permet de préparer l'éducation de l'enfant avant même que le problème ne surgisse.
A propos de l'homoparentalité, j'ajouterai même qu'il ne se posera un problème pour cet enfant que dans une société homophobe. Interdisons-nous aux juifs d'avoir des enfants parce qu'à l'école ils risqueraient d'entendre "Fils de youpin"? Non, intelligement, nous préférons lutter contre l'anti-semitisme. Ne déplaçons pas le problème de l'éducation des enfants sur le vrai problème qu'est l'homophobie de la société française actuelle.

A entendre certains intervenants, je me dis qu'il y a quand même encore beaucoup de boulot à faire pour éduquer les hétéros à ne pas avoir peur des pédés. Car c'est bien de la peur de l'inconnu dont il s'agit, avec toute sa kyrielle de fantasmes névrotiques sur l'insouciance, le libertinage ou la pédophilie.

NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.

Ce billet a reçu les commentaires suivants :

TarValanion :
Bravo. Tres belle analyse. A diffuser le plus possible. Merci pour ce texte.

Orpheus :
'erci pour les compliments !

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