Sono spiacente
lundi 13 février 2006, 12:00
A écouter La Môme Piaf chanter qu'elle ne regrette rien, je suis toujours admiratif. J'aimerai pouvoir en dire autant. Même si le texte de sa chanson porte principalement sur ce qu'on lui a fait, je ne peux m'empêcher d'élargir sur les actions dont je ne suis pas vraiment fier. Et là, je suis bourré de regrets.
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Je suis désolé de mon attitude minable envers Saïda, ma grande copine du Lycée. Nous étions très proches, toujours ensemble en cours, à discuter, à philosopher un peu et rigoler beaucoup. Les meilleurs amis du monde pendant deux ans.
Et puis vers la fin de la terminale, Saïda m'a écrit une lettre plutôt pudique où elle me faisait part de sentiments plus profonds à mon égard. De mon côté, je venais de pousser un peu plus loin l'exploration de mon homosexualité et je n'avais pas envie de "faire marche arrière". Alors, j'aurai pu lui expliquer cela. Nous étions suffisamment proches pour qu'elle comprenne, je pense même qu'elle devait s'en douter.
Pourtant, j'ai fait mine de ne pas avoir compris l'amour exprimé entre les lignes. L'air de rien, je l'ai retrouvé le lendemain. Alors que je voyais dans ces yeux qu'elle cherchait une trace de réaction quant à sa déclaration, je me suis efforcé d'engager la conversation sur un tout autre domaine. Et à chaque fois qu'elle posait en silence ses beaux yeux de kabyle sur moi, je trouvais quelque chose à dire pour désamorcer sa rêverie.
Jusqu'à cet après-midi où dans la cour, Saïda m'a demandé brutalement ce que j'avais pensé de sa lettre. Je l'ai regardé droit dans les yeux en lui disant que c'était le plus beau témoignage d'amitié que j'avais reçu à ce jour. Je l'ai embrassé sur la joue puis me suis levé en proposant d'aller lui chercher une boisson au distributeur. J'ai bien cru qu'elle allait me gifler. Elle savait que j'avais compris et feignait le contraire. "Tu vois, là, je n'ai vraiment pas besoin de caféine. Ça ira merci".
Elle aussi décida de faire semblant, celle qui n'avait pas été blessée. Les épreuves du bac sont arrivées un mois après, nous plongeant dans des révisions qui laissaient peu de place au reste. Puis les grandes vacances, et la rentrée. Chacun dans une université différente. Nous nous sommes revus trois fois cette année-là. Mal à l'aise. Puis plus du tout...
Pas fier l'Orpheus d'avoir été si lâche...
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Et que penser de mon attitude envers Yan? Je l'avais rencontré à la nouvelle année 1991. Trois mois plus tard, il me plaquait sans trop expliquer pourquoi. On peut dire que je l'ai harcelé celui-là. Des coups de fils incessants et des messages (plutôt pathétiques en y repensant) sur son répondeur. Sans aucune réponse. Je séchais la fac pour me rendre à Juvisy où il habitait. Sa porte restait close. Je traînais Cours Albert 1er où il travaillait espérant le voir sortir. Je tuais le temps en lui écrivant des lettres enflammées où je consignais mon amour et ma douleur. Ce petit jeu a duré trois mois. Et puis un jour, une voix me dit que son numéro de téléphone n'était plus attribué, et chez lui, un autre nom figurait sur l'interphone. Il avait parlé de déménager un jour. C'était fait. Peut-être avais-je fait précipiter les choses. Une lettre me revînt avec la mention "N'habite plus à l'adresse indiquée". J'avais du pousser le bouchon trop loin pour qu'il ne fasse même pas suivre son courrier.
En appelant les renseignements, j'obtins sa nouvelle adresse. Ce ne fût pas évident puisqu'il était sur liste rouge. Mais je parvins à attendrir l'opératrice en lui disant que je venais de retrouver mon frère perdu de vue à l'enfance. Elle finit par me lâcher le numéro de téléphone de son voisin pour qu'il lui fasse parvenir mon message. Cet indice me permit de savoir qu'il habitait Rue de la Croix Faubin à Paris. Je pris alors conscience d'avoir dépassé les bornes et arretais de le harceler. Il me fallut trois mois encore pour refaire surface...
Deux ans plus tard, je lui envoyais un peu mot amical avec mes nouvelles coordonnées. Nous prîmes un café ensemble. Une fois, deux fois puis une autre et sommes peu à peu devenus des amis, comme si de rien n'était! Et puis deux ans plus tard, on s'est perdu de vue à nouveau.
De temps à autres on se croise. Paris est une petite ville en somme. On discute deux minutes avant de reprendre chacun notre chemin. Comme si de rien n'était... A chaque fois, je repense à l'enfer que je lui ai fait vivre...
Pas fier l'Orpheus d'avoir agi en Glenn Close dans Liaisons Fatales...
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" Non ! Rien de rien ...
Non ! Je ne regrette rien...
C'est payé, balayé, oublié
Je me fous du passé! "
Mais comment on fait?
Moi, je sais pas...
Si seulement ces deux histoires étaient les seules et que je n'avais que ça à regretter!
Je vous en raconterai peut-être d'autres...
NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.
Ce billet a reçu les commentaires suivants :
L'ogre :
je rentre d'une virée un peu alcoolique et.... J'en suis pas très fier. Je rentre assez amer voir....Un peu plus.... Limite aigri.
nous avons tous des "cadavres dans le placard" même ceux qui se disent angéliques.
Ce n'est même pas une question de savoir qui a le plus souffert... Toi ou eux.
Comptes d'apoticaires.
Je crois qu'il faut essayer de ne pas se sentir coupable de tout. Tu as agi envers saida et yan ainsi car tu ne pouvais pas faire autrement à ce moment là.
Je crois la responsabilité partagée..... Ces deux personnes que tu dis avoir meurtri ou importuné ont aussi leurs défauts et ont aussi leur responsabilité dans l'histoire.
on ne peut pas rester accrocher aux choses éternellement.
Moi aussi ma vie aurait été meilleure ou plus clean si.............
NDLR : Les commentaires sur les réseaux sociaux ont tendance à se perdre avec le temps dans les limbes des internets. Pire encore, selon le sujet, ils risquent d'attirer les trolls en tout genre.
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