Vive les marié(e)s et leurs enfants!
vendredi 22 avril 2005, 12:00
J'avais décidé de me taire face à la décision de justice de la Cour d'Appel de Bordeaux annulant le mariage de Bègles mardi dernier. J'ai poussé mon quota de gueulante ce mois-ci et l'énervement est mauvais pour mon petit coeur. Et puis hier, les députés espagnols ont statué en faveur du mariage gay et de l'adoption.
Première réflexion : Ils me font bien marrer les deux trois abrutis qui pensent encore que la France est le moteur de l'Europe. Un bel exemple de notre complexe de supériorité puisque sur cette question nous sommes bien à la traîne derrière les Belges, les Hollandais et maintenant les Espagnols.
Mais bon, je m'abstiens de tout billet houleux sur le sujet.
C'est alors que je tombe sur ces quelques lignes lâchées (sans grande relecture à priori) sur le blog d'un jeune homo:
"L'adoption par des couples homos est autorisé par la loi en Espasgne => une belle connerie à mon goût. A croire que les législateurs espagnoles n'ont toukours pas pris conscience de la cruauté des enfant entre le prmiaire et le lycée. Je sais se que c'est que d'être la personne qui sort d "l'ordinnaire", de se faire chambrer aux long des années par ses camarades de classes, se que cela peut faire sur le psychique d'un enfant si celui-ci n'est pas assez fort mentalement. Ca va faire des ravages et ce sont les enfants qui vont faire les frais de la velléité revendicratrice de leurs parents."
Je me dis qu'après tout un petit billet ne sera pas superflu... Mais je vais rester calme.
Prenons d'abord le cas du mariage.
Ma position est simple (peut-être même simpliste, mais c'est tellement évident pourtant qu'il n'y a pas à aller chercher plus loin!). Que dit la Déclaration des Droits de l'Homme dont la France se targue d'être l'auteur et le garant? "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits". Moi ce qui me choque, ce n'est pas qu'on puisse unir deux hommes (ou deux femmes) qui s'aiment, c'est qu'on fasse tout pour empêcher l'union de ces deux personnes. Comment la France peut-elle parler d'égalité dans sa devise et être aussi discriminante dans ses décisions?
Que ce mariage ne se fasse pas à l'église, dont le siège du Vatican condamne les pédésexuels au bûcher éternel, je le comprends tout à fait. Mais que les mairies de France restent fermées aux amoureux de même sexe, je trouve cela aberrant. Bel exemple de la "République pour tous".
Et pourtant, à titre individuel cette question ne me concerne pas. Ni pacs ni mariage pour moi. Même si je reconnais les bienfaits du mariage (lien psychologique et symbolique, mais aussi avantages fiscaux, droit de succession, etc... que le pacs ne comble pas totalement), je préfère le statut de la clandestinité et surtout de la fragilité. Savoir qu'il peut partir du jour au lendemain si je lui casse trop les couilles... et réciproquement. Mine de rien, l'absence du ciment officiel du mariage oblige à un minimum d'effort.
Mais encore une fois, qu'on refuse ce choix à deux personnes qui s'aiment est quelque chose qui irrite la fibre de mon être épris d'humanisme.
Les opposants au mariage gay parlent d'améliorer le pacs (alors qu'ils étaient contre le principe même de texte d'union entre deux individus de même sexe à l'époque d'ailleurs... mouarf!). Si ça doit avoir le goût et la couleur du mariage, et surtout les mêmes avantages, autant appeler ça un mariage. Encore une fois au nom de la même République pour tous, pourquoi donner deux noms différents à deux actes qui auront le même contenu?
Vient alors le cas (peut-être plus délicat) de l'adoption.
Je vais commencer par répondre aux arguments qui ont motivé ce billet. A savoir "la cruauté des enfants entre le primaire et le lycée".
Notons d'abord que cette cruauté continue à s'exercer bien au-delà des cours d'école. Il n'y a qu'à regarder les propos haineux professés à Bègles en juillet dernier ainsi que le massacre de Sébastien Nouchet (que la justice française n'a toujours pas réglé d'ailleurs...) et de bien d'autres encore.
Mais bref, passons et concentrons-nous sur les cours d'écoles.
Oui, les enfants sont parfois cruels. Mais pourquoi préférer un principe de précaution à deux balles plutôt que l'éducation? Agir par la préventive en refusant l'adoption aux couples homos sous prétexte que le gamin pourrait souffrir d'entendre à la récré "fils de pédés" revient à reconnaître qu'être l'enfant de deux personnes de même sexe est bel et bien une insulte. Extrapolons par l'absurde afin de démontrer la bêtise d'un tel raisonnement. L'état français interdit-il la religion juive dans la préventive d'éviter aux garnements de traiter leurs petits camarades de "Fils de youpin"? Non. L'état français choisit à raison d'éduquer la tolérance et le refus de la discrimination. L'institutrice, le professeur, le directeur vont prendre à part le jeune voyou et lui apprendre qu'il n'y a pas de honte à être juif ou l'enfant d'un juif. Peut-être ses parents seront convoqués et aura-t-il cent lignes à écrire pour lui apprendre la tolérance. Pourquoi devrait-il en être autrement pour un jeune homo, ou un jeune fils d'homos?
Alors on me dira que ces enfants seront blessés, voire traumatisés. Là aussi, je doute. Il y aura toujours des vannes dans les cours d'écoles. Si ce n'est pas à cause de la religion ou de la sexualité des parents, ce sera pour un autre motif.
"Je sais se que c'est que d'être la personne qui sort d "l'ordinnaire", de se faire chambrer aux long des années par ses camarades de classes, se que cela peut faire sur le psychique d'un enfant si celui-ci n'est pas assez fort mentalement", écrit-il.
Peut-être est-il devenu assez fort aujourd'hui justement parce qu'il a enduré cela, je n'en sais rien, je ne le connais pas. Pour ma part, je n'ai pas été raillé à l'école à cause de ma (non-)religion ou de ma sexualité, mais pour d'autres raisons. Il y a toujours des bandes qui s'opposent et on trouve toujours une différence sur laquelle appuyer. Moi c'était mon nom italien qui a été déformé au ridicule, mon identité même. Et bien ça ne m'a pas traumatisé. Ça m'a appris dès le plus jeune âge à ne pas me laisser faire et à répondre. Apprentissage qui m'a été bien utile quand jeune homme j'ai eu à faire face à mes premières insultes homophobes.
L'école n'est pas seulement un lieu où on apprend à compter. On y apprend la vie. Comment forger des mentalités exemptes d'homophie à l'âge adulte si nous refusons de vouloir éduquer dès le plus jeune âge sur ce sujet?
"Ca va faire des ravages et ce sont les enfants qui vont faire les frais de la velléité revendicratrice de leurs parents", écrit-il.
Le "Ça va" est une projection dans le futur qui devrait être hypothétique. A la rigueur "Ça pourrait". Mais pourquoi faire des suppositions sur l'avenir alors que nous avons maintenant suffisamment de recul et déjà des statistiques sur l'homoparentalité. Il semble oublier que même si l'état ne reconnaît pas encore l'adoption pour les couples homos, l'homoparentalité existe déjà depuis belle lurette. Plus de 200.000 enfants en France (voir NB en bas) sont élevés par un couple de même sexe. REFUSER L'HOMOPARENTALITE, REVIENT A DIRE A CES 200.000 ENFANTS QU'ILS SONT DES ERREURS DE LA NATURE. Beau message de la République protectrice du bien-être de chacun. Il parlait de choc psychologique dans les cours d'école, mais a-t-il conscience du mal que peuvent causer de tels propos.
Chaque année à la Gaypride, je contemple (le terme n'est pas exagéré) le petit train de l'Association des Parents (et Futurs Parents) Gays et Lesbiens. A l'intérieur, de nombreux parents et leur progéniture (adoptée - car un parent unique peut adopter même s'il est homo - ou conçue naturellement). Ils m'ont l'air tout à fait heureux et équilibré ces marmots.
Au-delà de la simple et rapide constatation, de sérieuses études françaises et américaines montrent que ces enfants ne sont ni plus ni moins traumatisés que les autres. Il semblerait même plus altruiste. Et ça, ce n'est pas un mal.
Ainsi s'achève ma réponse à ce paragraphe. Je me dois d'ajouter cependant deux ou trois choses que je présenterai sous forme de questions rhétoriques.
Vaut-il mieux laisser pourrir un gamin dans une DASS, le laisser crever la dalle au fin fond du Nicaragua, ou le confier à un couple aimant peu importe son sexe?
Vaut-il mieux donner l'agrément d'adoption à un couple hétérosexuel votant FN ou à un couple de pédés qui écoute du Gloria Gaynor?
L'adoption doit-elle être étudiée sur l'orientation sexuelle des parents ou sur de réelles motivations et capacités (mentales et financières) à assumer ce rôle?
L'état devrait revoir ces critères d'adoption.
C'est bien au cas par cas qu'il faut procéder et non en fonction de l'orientation sexuelle des parents. De la même façon que tous les hétéros n'obtiendraient pas l'agrément, tous les homos n'ont plus. Seul ceux qui pourront réellement offrir un cadre optimal aux besoins et à l'éducation d'un enfant.
A titre individuel, je ne recherche pas à adopter ou à procréer. Il y a des jours, je ne me sens pas complètement adulte (même si à mon âge, il serait temps!). Je ne crois pas avoir les épaules assez larges pour assumer cette responsabilité.
Pourtant, à voir la détresse humaine de certains, je me dis que ce serait une bonne action à entreprendre le jour où j'en aurai la carrure. Non pas seulement par envie personnelle, mais aussi par devoir humain!
De toute façon, ces droits viendront... comme les autres...
Il aura fallu attendre 1981 pour que Mitterant fasse retirer l'homosexualité de la liste des maladies mentales. C'est très récent quand on y songe...
Ce qui me rassure aujourd'hui c'est l'évolution des arguments contre l'homoparentalité.
Il y a dix ans, on craignait de confier un marmot à un couple homo parce qu'on avait peur qu'ils le sodomisent, aujourd'hui on se demande si c'est bien pour l'équilibre psychologique du gamin.
Allez encore un effort et dans la grande récré de l'Europe, les petits français n'auront pas à rougir quand leurs petits camarades de classe espagnols, belges et hollandais se moqueront d'eux en leur lisant la déclaration des droits de l'homme et du citoyen...
NB : Le chiffre de 200.000 enfants n'est pas inventé.
Il est certifié par Franck Tanguy, relation presse de l'APGL qui a eu l'extrême gentillesse de dialoguer avec moi par téléphone à ce sujet. Ce chiffre est une estimation qui serait même minorée pour un nombre d'au moins 150.000 familles.
NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.
Ce billet a reçu les commentaires suivants :
jak :
J ai pendant un temps partage l'opinion du jeune sur l adoption, peut etre que certaines blessures du passe n etaient pas encore cicatrisees.
Comme toi je n envisage pas l adoption, (par contre le mariage dans quelques annees pourquoi pas) par contre je suis tout a fait d accord avec les arguments que tu avances et qui m ont totalement convaincus.
Bon week end a toi
Pascal :
Tout à fait d'accord, je n'aurais pas dit mieux ! Je trouve incroyable qu'il faille encore et toujours répéter ces arguments, pourtant évidents et de bon sens... Moi, j'ai plus la patience.
Juste un bémol sur ce que tu n'as pas écrit mais que je sens bien que tu as envie d'écrire : je sais bien que la décision de la cours d'appel de confirmer la nullité du mariage de Bègles est rageante, mais d'un autre côté, les juges ont simplement appliqué la loi, ni plus, ni moins. Leur métier, c'est d'appliquer les textes, pas de les faire. Reconnais que l'on serait les premiers à pousser des grands cris si des juges n'appliquaient pas une loi et que c'était en notre défaveur !
La mise en place du mariage homo nécessite le dépot d'un projet de loi en règle, et un débat démocratique. Or, il se trouve que dans nos institutions, le lieu du débat est l'assemblée nationale, pas les cours d'appel ou les cours de cassation.
Orpheus :
Jak > Je souhaite que dans un futur proche tu aies cette possibilité d'union. Que ce soit à Manchester ou ici en France, si tu nous reviens.
Je me ferrai alors un plaisir de trinquer au bonheur des époux !
Pascal > Hélas, je n'attendais pas autre chose de la cour d'appel. En effet le droit ne se fait pas dans les tribunaux mais s'y applique. Quoique certaines décisions font jurisprudence...
Il serait souhaitable maintenant que les parlementaires et députés pensent à mettre la question à l'ordre du jour et qu'un véritable et DEMOCRATIQUE débat s'engage...
("je n'aurais pas dit mieux !" > je suis persuadé que tu aurais trouvé une meilleure formulation avec des allégories mellant flore, prophéties et autres comparaisons avec nos comtemporains. clin d`oeil )
bubulles12 :
moi je dirais juste que la différence cultive l'intolérence. Tant que nous serons ôté que tout nos droit parentaux, marital.... nous resterons différence donc méprisé et diminié tout comme nos enfants! C'est injuste et dégueulace mais c'est comme ça, il faut que ça change pour une vie futur méilleur!!!!!!!!!
NDLR : Les commentaires sur les réseaux sociaux ont tendance à se perdre avec le temps dans les limbes des internets. Pire encore, selon le sujet, ils risquent d'attirer les trolls en tout genre.
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