Une autre Europe

Référendum pour l'Europe

 Il y a un truc qu'il faut savoir avec moi, c'est qu'il faut surtout me prendre avec des pincettes. Une chose à éviter par exemple, est de me demander mon avis alors qu'on exige de moi une réponse bien précise.
C'est exactement ce qu'il s'est passé avec ce référendum de la constitution européenne.
Avant même que les politiques ne commence à en parler, j'étais tout disposé à voter OUI. Après tout, je fais partie de la Génération Mittérant et j'ai grandi avec l'idée de la construction de l'Europe. Pour moi, des nations qui s'unissent dans le respect de leurs différences, je trouve cela plutôt louable et optimiste pour l'avenir.
Et puis, les politiques ont commencé à en parler. Du bout des lèvres. Tous en coeur pour me dire qu'il ne fallait surtout pas voter NON. J'aurai préféré qu'ils me disent pourquoi voter OUI.
S'il n'y a pas de choix possible, il ne fallait pas faire de référendum. Certains pays n'en font d'ailleurs pas et voteront ce texte dans leurs parlements respectifs.

Alors, j'ai commencé à me documenter sur le contenu de cette constitution, j'ai écouté la seule voix du moment qui soutenait le NON, celle de Fabius. Les militants du PS ont préféré suivre Hollande et l'ont éjecté selon le principe de la pensée unique d'un parti.
Parallèlement, je continue à glaner des informations ici et là. J'ai essayé de lire cette constitution (j'avoue avoir survolé certains passages et abandonné en cours de route - c'est super chiant à lire, il faut bien le dire!). Mais certains sites sont bien didactiques et expliquent pas mal de chose (Liens sur "A Voir!" même si très pro-OUI parce qu'ils sont directement impliqués!). Toujours est-il que très rapidement, je n'étais plus du tout enclin à donner mon aval. Le NON a pris le dessus sur le OUI. Et toujours aucun débat réel des politiques qui continuent dans leur discours à diaboliser ceux qui oseraient ne pas aller dans leur sens.
C'est alors que le NON est passé devant les intentions de vote du OUI dans les sondages. Et là, les politiques ont commencé à battre campagne. Certains d'entre eux ont alors eu le courage de se mettre leurs dirigeants à dos en prônant le NON... Les débats ont commencé...

Ma décision a été prise. Ce sera NON.

La première chose qui me déplaît dans cette constitution réside en l'importante présence d'articles économiques, ou fixant des règles de fonctionnement économique. Plus des deux tiers des articles de cette constitution y sont consacrés.
Ce serait donc la seule constitution existante qui définirait une économie. Pour moi, une constitution devrait davantage définir une philosophie commune humaine et sociale, puis définir les règles de fonctionnement des trois pouvoirs : le Législatif, l'Exécutif, et le Judiciaire. Et basta!
L'économie étant fluctuante (à fortiori quand il s'agit de 25 pays!), il me semble inadéquat de l'inscrire au centre d'une constitution.
Alors on nous dit que les articles économiques de cette constitution sont ni plus ni moins que la reprise d'articles qui existaient dans les différents traités européens actuels (Rome, Bolkestein, Maastricht, Amsterdam, Nice et autres...) et que si cette constitution n'est pas adoptée, nous en reviendrons à l'application pure et simple de ces traités. Certains affirment cependant que quelques articles ont été "aggravés" au passage... Pour ce qui est de la teneur libérale de la partie III en question, bien évidemment, elle n'est pas pour me satisfaire.
Je persiste à penser que cela n'a pas à figurer dans un texte constitutionnel. Je réagirai de la même façon si une constitution inscrivait des principes communistes économiques. Les politiques changent, une constitution reste.
N'aurait-il pas été préférable d'écrire dans cette constitution qu'elle s'appuyait sur la déclaration des droits de l'homme et qu'elle en réaffirmait les principes, de définir le fonctionnement des trois pouvoirs (Législatif, Exécutif et Judiciaire), et d'ajouter que les principes économiques seront définis dans différents traités annexes à cette constitution. Un tel texte aurait eu mon assentiment. Il y a toujours eu des traités, des accords, des codes, et des lois qui ont complété des constitutions, je ne vois pas pourquoi, ce serait différent ici et qu'il faille tout mettre dans ce texte.

Certains disent que voter OUI a cette constitution est dangereux car c'est "figé un texte dans le marbre", une fois cette constitution adoptée, on ne pourrait plus en changer. Le camp adverse dit que cette constitution pourra toujours être amendée ou remplacée par la suite. Il faudra alors qu'à nouveau tous les états membres ratifient un autre texte et l'érigent en constitution de la même façon que celui-ci.
Mon point de vue est simple. Pourquoi voter un texte aujourd'hui qu'on juge imparfait sachant qu'on pourra toujours l'améliorer demain? Autant faire en sorte dès à présent de rédiger le meilleur texte possible. Dans cet hypothétique futur, il faudrait en plus de cela que les parlementaires trouvent non seulement le besoin de la changer, le courage de pondre un nouveau texte, et surtout convaincre le parlement de faire voter ce texte par les 25 pays (et plus d'ici là!). Même s'il sera possible de changer cette constitution, croyez-moi, ce n'est pas demain la veille qu'on en changera. Quand on voit la difficulté de faire voter à l'unanimité un même texte par 25 nations, je doute qu'un prochain texte ait de grandes chances de passer. La meilleure façon de leur démontrer cette difficulté est de rejeter ce texte.

On nous a dit qu'il ne faudrait surtout pas voter NON car cela mettrait un terme à la construction de l'Europe.
Il n'en est rien. Cela montrerait seulement que les Français ne sont pas d'accord avec ce texte, et qu'il faut en rédiger un autre.
Prenons un exemple concret. Un graphiste doit dessiner la campagne d'un client. Si la présentation ne convient pas au client, on retrousse les manches et recommence. Le projet n'est pas abandonné pour autant.
J'ai la vague impression que les parlementaires qui ont pondu ce texte (et je reconnais que cela n'a pas du être aisé de le rédiger pour qu'il soit susceptible de convenir à tous) ont la flemme rien qu'à l'idée de remballer et revoir leur copie. Pourtant c'est ce qu'on nous apprend dès notre plus jeune âge. Si ce n'est pas bien fait, tu recommences! Alors Messieurs les Parlementaires, si ce texte n'est pas voté par les 25 pays, vous devrez vous remettre au boulot et accomplir cette tâche pour laquelle vous êtes élus et payés.

On nous dit que cette constitution va plus loin en terme de droits que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en ajoutant les notions de droit à un environnement sain, du principe du développement durable ou de respect des principes de bioéthique. Pourtant sur la question de la laïcité (qui n'est pas le refus des religions mais le refus d'en favoriser l'une plutôt que l'autre), de la conception de l'homosexualité (pour le mariage et l'adoption), ce texte décide de ne pas se mouiller et d'abandonner la décision à aux Etats eux-mêmes. Cette seule position est à mon avis contraire au premier article de la déclaration des droits de l'homme. "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits". Refuser de statufier sur ces sujets revient à accepter qu'un état puisse imposer/financer une religion au détriment d'une autre ou que les homos soient discriminés dans certains pays et non dans d'autres. Ce texte se doit de définir la même Europe pour tous sur le principe de l'égalité. Et ne pas refuser de se mouiller dès qu'un sujet pourrait fâcher et créer des désaccords.
Par ailleurs, j'ai du mal à associer économie de marché libérale et développement durable. Maintenant s'il s'agit de mettre un mot sur un papier pour le symbole parce que ça fait bien et de faire n'importe quoi comme on a toujours fait, pourquoi pas. Mais qu'on ne me demande pas de dire OUI, c'est bien et c'est ça que je veux.

On nous dit que la France sera ridicule et pointée du doigt si le NON passe, qu'elle mettra un frein considérable à l'Europe...
L'Europe a tourné et tourne toujours sans cette constitution. Elle continuera de tourner en attendant qu'on lui trouve un texte qui nous convienne à tous. Et si les Français s'expriment sur le NON le 25 Mai, ils n'auront qu'à expliquer pourquoi ils ont agit ainsi. Peut-être nos voisins trouveront une résonance à leurs propres préoccupations et désirs d'Europe. Ils réfléchiront davantage avant de voter OUI.

Cette Europe là, n'est pas celle que je souhaite voir demain, et je me contente de dire ici pourquoi je voterai NON en mai prochain. Je ne veux pas d'une Europe où on me dit "c'est ça ou rien", je ne veux pas d'une Europe où une économie libérale est inscrite au même niveau que les droits de chacun...
Téléphone chantait "j'ai rêvé d'un autre monde", et bien moi j'avais rêvé d'une autre Europe.
Il y a certainement encore pleins d'autres raisons de voter NON. Mais celles-ci sont pour moi les principales.
Bien entendu, vous avez complètement le droit de voter le contraire.
Il y a aussi certainement de très bonnes raisons de voter OUI, après tout.
Je ne diaboliserai pas les électeurs du OUI qui seront, je le crains, au final les plus nombreux.

Mon gros problème reste de voir les partis politiques et têtes d'affiches qui soutiennent le NON.
Oulala, je n'ai pas beaucoup d'affinités avec ces gens-là...

 

NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.

Ce billet a reçu les commentaires suivants :

TarValanion :
Merci beaucoup pour toutes ces infos, Orpheus. Ca va m'etre utile.

Orpheus :
Ne les utilise que pour te faire ta propre opinion.
Je ne suis pas quelqu'un dont les idées sont forcement à suivre, mais si je peux inciter à la réflexion et apporter à peu ma pierre à l'édifice, tu m'en vois enchanté !

rocambole :
Un argumentaire pour le Non
Lien vers un argumentaire pour le Non fait par un prof de droit : http://argumentaire.canalblog.com
C'st long mais didactique je trouve.

sandrine :
Pour ma part, pour l'instant entre les 2 mon coeur balance! Je vais justement essayer de déterminer de quel côté est le coeur et de quel côté est la raison!!

Arnaud :
Bilan fort intéressant ... ma position reste indécise !!

Orpheus :
sandrine > tiens, c'est marrant, je ne pensais que tu serais moins indécise que ça.
arnaud > merci - c'est fou ce qu'il y a comme indécis ! bon maintenant, il y a encore du temps avant de mettre son bulletin dans l'urne.
l'important c'est surtout de s'exprimer et de ne pas s'abstenir.

Sekhmet :
Les 25 états ont mis du temps pour se mettre d'accord sur cette constitution. Ne penses-tu pas que dire non aujourd'hui est un risque pour qu'ils abandonnent demain un tel projet?

Orpheus :
Non, je ne pense pas.
Une constitution verra le jour. Il se passera peut-être un peu plus de temps, mais bon, l'Europe s'est passée de constitution jusqu'ici, elle peut encore faire sans une année ou deux.

Sekhmet :
Désolée d'insister mais si l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui -cad libérale- ne convient à personne, pourquoi voter non à une constitution qui mettrait enfin en place une vraie politique européenne? Un non français serait un prétexte pour les partisans d'une Europe à l'anglo-saxonne de faire capoter le projet. Veut-on réduire l'Europe à un espace de marché commun ou veut-on une Europe politique? C'est ça la vraie question, enfin à mon avis.

Orpheus :
"si l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui -cad libérale- ne convient à personne, pourquoi voter non à une constitution qui mettrait enfin en place une vraie politique européenne?" >
D'après les infos que j'ai pu glaner ici et là, l'Europe libérale du traité de Nice (actuellement en vigueur) ne sera que renforcé. Une vraie politique européenne, oui. Mais pas n'importe laquelle. Je ne suis pas partisant de faire n'importe quoi sous pretexte de le faire tous ensemble!

"Un non français serait un prétexte pour les partisans d'une Europe à l'anglo-saxonne de faire capoter le projet." >
Il ne faut pas voir les choses pour ce qu'elles ne sont pas. Un "non" français ne signifie ni plus ni moins que "non, ce n'est pas ça que nous voulons". Il n'est nullement question d'une Europe à l'Anglo-saxonne... Maintenant que ce soit oui ou non, ne t'inquiete pas, chacun tirera la couverture à lui et donnera les interprétations qui l'arragent.

"Veut-on réduire l'Europe à un espace de marché commun ou veut-on une Europe politique?"
Je ne vois pas où est le problème. Il n'y a pas qu'une seule façon de faire une Europe politique. Oui, il faut une constitution. Maintenant la politique économique exprimée dans celle-ci ne me plait pas. Je ne veux pas réduire l'Europe, bien au contraire. Je veux la libérer d'articles qui la définissent par une économie qui a fait preuve ici et là de son échec. Oui à une constitution qui définit les pouvoirs législatif, executif et judiciaire. Oui à une constitution qui réaffirme les droits humains fondamentaux.

"C'est ça la vraie question" >
La vraie question est selon moi de savoir si on préfère voter pour quelque chose qu'on nous propose faute de mieux même s'il y a des choses pas très jolies dedans, ou de voter en fonction de ses convictions humaines et de ses espoirs pour l'intérêt général.

Fil des commentaires de ce billet