Les Baiseurs de La Chapelle

"Le Baiser de l'Hôtel de Ville" de Doisneau

Lundi soir, un des six tirages originaux du "Baiser de l'Hôtel de Ville" de Doisneau a été mis en vente aux enchères. Celui-ci était détenu jusqu'alors par la demoiselle de la photo qui avait posé avec son ami de l'époque pour le photographe. En 1950 cette photo est passée relativement inaperçue même si publiée dans le magazine Life qui avait passé commande auprès de l'artiste. Ce n'est que dans les années 80 qu'elle devient culte après avoir fait la une de Télérama. Elle sera alors reproduite avec le succès qu'on connaît en carte postale et autres posters pour devenir mondialement un emblème de Paris et du romantisme à la française.

Mis à prix à dix milles euros, l'expert de la salle des ventes a estimé qu'il pouvait être adjugé entre quinze et vingt milles. Un spécialiste celui-là, en effet! Les petites mains et autres cartons numérotés se sont levés jusqu'à ce que le marteau ne frappe les trois coups sur un montant de 155.000 euros! Belle opération financière pour la demoiselle aujourd'hui âgée de 75 ans...
Mais où sont les autres tirages?!?

Il me vient alors une idée pour financer ma retraite...
Faire une photo qui deviendrait culte et que je mettrai aux enchères pour assurer mes vieux jours.
Il faut que ce soit une photo choc. Autre temps, autres moeurs, ce sera un couple de mec. Et ce sera plus qu'un simple petit baiser. Allez hop, une sodomie!
J'imagine la scène dans le petit square à côté du pont aérien de La Chapelle avec le métro un peu flou qui passe en arrière plan. Les deux mecs debouts, les jeans baissés sur les mollets. Celui de devant la bouche entrouverte écumante de plaisir (on devinerait qu'une fellation aurait précédé cette scène), les genoux légèrement fléchis, une main sur la cuisse de son amant derrière, l'autre sur sa nuque lui plaquant ainsi le visage au creux du cou. L'autre protagoniste d'une main lui titillerait le sein pendant que de l'autre il le branlerait... Sur le sol, un emballage de préservatif déchiré. Ne serait ce que pour la petite note militante.
Des teintes bleutées et foncées de la nuit avec juste l'éclairage un peu crasseux d'un lampadaire, des touches jaune verdâtre des lumières du métro sur le pont avec peut-être au loin celle d'un gyrophare rouge d'une voiture de police.

D'abord diffusée sur ce blog, cette photo ne recevrait que deux ou trois éloges de mes happy few lecteurs. Peut-être aussi la critique acerbe d'un intégriste qui trouve toujours le moyen de débarquer dans ce cas-là. Puis elle commencerait à circuler par mail. Elle serait utilisée pour la une d'un quelconque mensuel vantant son dossier estival sur les rencontres fugaces. Repérée alors, un conservateur me contacterait pour présenter cette oeuvre dans sa galerie. Patrice Chéreau dans un de ces films tournerait une scène clé devant cette photo. Présenté aux Oscars pour le meilleur film étranger, la diffusion internationale de l'image serait assurée puisqu'il obtiendrait la statuette dorée. Consécration avec les premières sérigraphies, cartes postales et autres t-shirts. Les royalties des produits dérivés commencent à tomber. Je refuse néanmoins à donner mon accord pour les tapis de souris. Faut pas déconner quand même! Les militants gays utilisent la polémique déclenchée par le cliché pour dénoncer les propos homophobes du ministre de la culture FN (et oui, l'avenir ne sera pas rose...). Ça y est, je suis CULTE. Une célèbre maison d'édition me commande un livre sur la genèse et le fabuleux destin des "Baiseurs de La Chapelle". Comble du raffinement, de jeunes artistes s'inspirent de mon oeuvre. Certains vont même jusqu'à me copier...

Et dans trente ans, je mets le négatif et le premier tirage original en vente aux enchères. Jackpot, moi, je vous dis, madame! C'est le diable si avec un parcours pareil, je n'arrive pas à 150.000 euros.

Reste à convaincre Jièm de poser avec moi et l'affaire est faite.
C'est pas gagné... Non pas qu'il ne soit pas parfait pour le rôle. Bien au contraire. Mais il est assez pudique et pas exhib' du tout.
Je dois donc trouver un figurant. L'idéal serait un grand black musculeux (genre Keith de Six Feet Under), ce qui ferait encore plus jaser avec les racistes qui hurleraient contre la mixité. Un bon petit scandale réac' aidera encore plus la promo...
Pour les rôles, j'hésite encore. Si c'est le black qui me sodomise, je risque de prendre un pied d'enfer (sous couvert d'oeuvrer pour l'art, of course!), mais la photo ne serait-elle pas plus percutante et inattendue si c'est le contraire...

C'est beau les rêves... :-)

Je viens d'économiser le prix d'une grille de Loto pour le même plaisir procuré par l'espoir...
Car il faut être lucide, j'ai quasiment le même nombre de chance de gagner la cagnote que de voir "Les Baiseurs de La Chapelle" décrocher la timbale...

NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.

Ce billet a reçu les commentaires suivants :

Matoo :
Ars longa, vita brevis !
Go go go darling ! Arf.

Le Citadin :
Pôv' p'tite vieille !
D'après ce que j'ai entendu lundi dernier, cette charmante vielle dame compte utiliser ce "jackpot" pour créer un prix afin de financer de jeunes réalisateurs de cinéma débutants... Donc tu l'accuses bien à tort de renflouer sa retraite.
Mais bon, j'espère quand même que ce ne sont pas là des résolutions de Nouvel-An...
Ceci dit, j'attends de voir ton oeuvre avec une impatience contenue !

dom :
Bah tiens v'la l'autre obsédé qui m'a encore devancé ! Rhaaaaaa, lé vraiment trop porté sur le sexe lui ! lol

Olivier :
Ahah, tu m'as bien fait rire. Le casting est lancé pour trouver ton sodomisateur ;)

Orpheus :
Matoo > En effet, "l'art est long, la vie est courte" comme nous l'a appris ce vieil Hippocrate.
Mais attention à ne pas se faire rentrer dedans pour rentrer dans l'histoire! 
Le Citadin > Mais je ne l'accuse de rien! Qu'elle fasse ce qu'elle veut de son magot. Après tout, elle ne l'a pas volé. Je pensais à MON avenir.
Je suis jalouse, c'est tout! hihihi.
Dom > heu, tu parles de qui là ?
Olivier > Umpf!

TarValanion :
J'ai un appareil photo avec un pied. Je veux bien m'occuper de prendre la photo ;)

Orpheus :
TarValanion > Ah mais non alors ! C'est qu'il me boufferait mes droits d'auteur sur le cliché celui-là ! :)

dom :
Je parlais de Citadin qui est impatient de voir ton oeuvre, lol !

TarValanion :
Non, non. Je me contente juste de prendre la photo, je demande rien d'autre, moi. Peut etre un petit coup avec l'un et/ou l'autre des modeles, mais rien de plus.

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