Fellow Travelers đŸ“șđŸłïžâ€đŸŒˆ

Il y a bien longtemps que j’ai arrĂȘtĂ© de bloguer des critiques de films/sĂ©ries/romans/musiques. En plus de trouver la chose inutile, le cĂŽtĂ© pĂ©remptoire de l’exercice oĂč l’auteur pense dĂ©tenir une vĂ©ritĂ© absolue me dĂ©range dĂšs lors qu’il s’agit d’observer un objet culturel. Il ne peut y avoir que l’expression subjective d’un ressenti, alors pourquoi vouloir en faire quelque chose d’universel qui recevrait l’approbation d’autrui ? đŸ€”

Affiche officielle de la série avec les deux personnages principaux sur le lit
Affiche officielle

Bref. Ceci Ă©tant dit, je vais faire une exception. Parce que j’ai vu Fellow Travelers dimanche dernier et que je ne m’attendais pas Ă  le bingewatcher en une aprĂšs-midi/soirĂ©e. Parce que son contenu m’a Ă©mu comme je ne l’ai pas Ă©tĂ© devant une histoire lgbt depuis un bon moment. Parce que cette sĂ©rie est fondamentale en ce qui concerne notre histoire commune Ă  touâž±teâž±s. Parce que je la range immĂ©diatement dans le panthĂ©on lgbt de ma mĂ©diathĂšque aux cĂŽtĂ©s de titres comme Torch Song Trilogy, The Normal Heart, Harvey Milk, Queer as Folk, Philadelphia, Pose, Angels in America, Bound, It's a Sin ou encore When We Rise et 120 Battements par Minute (liste non exhaustive
). Le minimum syndical des trucs que tu dois avoir vu au moins une fois si tu ne veux pas perdre des points sur ta carte de pĂ©dé 

Essayons donc de rester un minimum factuel.

Fellow Travelers est une mini-sĂ©rie US de 8 Ă©pisodes d’une heure, scĂ©narisĂ©e par Ron Nyswaner (oscar pour le scĂ©nario de Philadelphia) et inspirĂ©e du roman Ă©ponyme de Thomas Mallon. Sa premiĂšre diffusion a eu lieu entre octobre et dĂ©cembre 2023 sur Showtime et Paramount+. En France, elle est actuellement disponible sur Canal+ ou Prime VidĂ©o via le pass Paramount+.

Fellow Travelers retrace la love story de Hawk (Matt Bomer) et Tim (Jonathan Bailey) depuis les annĂ©es 1950 jusqu’à la fin des annĂ©es 1980. Leurs chemins se croisent pour la premiĂšre fois en pleine pĂ©riode McCarthy (qui en plus de la chasse aux sorciĂšres contre les communistes organisait en parallĂšle la Lavender Scare/Peur Lavande, une violente rĂ©pression contre les homosexuels) pour se sĂ©parer 30 ans plus tard avec les annĂ©es Sida
 Et entre deux ? Les hauts et les bas de la vie
 et de l’Histoire. Et si les personnages de Hawk et Tim sont complĂštement fictifs, les faits du contexte historique, eux, sont bien rĂ©els.

Au-delĂ  de la romance queer qui ravira (ou agacera, je veux pas spoiler
) les plus midinettes d’entre nous, Fellow Travelers est passionnant car il retrace tout ce par quoi nous sommes passĂ©s pour en arriver Ă  aujourd’hui, oĂč l’homosexualitĂ© n’est plus (trop) discriminĂ©e, oĂč l’homophobie est (censĂ© ĂȘtre) condamnĂ©e, oĂč chacun peut explorer plus librement un spectre plus fluide des sexualitĂ©s. Et pourquoi est-ce si important ? Parce que pour ne pas perdre des droits, il faut savoir ce qui a Ă©tĂ© fait pour les obtenir.

On me dira que tout cela est trĂšs amĂ©ricain et que la chasse aux dĂ©viants du maccarthysme des annĂ©es 50 nous concerne bien peu. Ah oui ? Vraiment ? Des parallĂšles peuvent ĂȘtre dressĂ©es facilement. D’ailleurs pour que l’homosexualitĂ© soit dĂ©pĂ©nalisĂ©e en 1982 en France sous Mitterrand, il fallait bien qu’elle soit criminalisĂ©e auparavant ! Et n’oublions pas que jusqu’en 1791, les homosexuels reconnus de crime de sodomie Ă©taient purement et simplement passĂ©s sur le bĂ»cher
 La rĂ©pression de l’homosexualitĂ© en France sous le gouvernement de Vichy est mĂȘme bien plus effrayante encore que ce qui se passait aux USA Ă  la mĂȘme Ă©poque. Elle est plutĂŽt bien documentĂ©e et spolier alert, cela se terminait dans les camps de concentration de l’Allemagne nazie

Tout cela pour dire que je rĂȘve d’une mini-sĂ©rie française qui retracerait notre histoire lgbt
 Ce serait un poil plus intĂ©ressant que toutes les sĂ©ries policiĂšres bleu-blanc-rouge rĂ©unies. Avis aux auteurs !

Revenons-en à Fellow Travelers
 en essayant de rester factuel.

Quelle bonne idĂ©e de donner Ă  des acteurs ouvertement gays les rĂŽles principaux. Ainsi, on n’est pas sans arrĂȘt Ă  admirer une quelconque performance d’acteur digne d’une statuette dorĂ©e. Les personnages apparaissent avec une Ă©paisseur plus naturelle, plus viscĂ©rale. Pareil pour ce qui est des quelques scĂšnes de sexe. Quand la premiĂšre a commencĂ©, je l’ai trouvĂ©e un peu racoleuse. J’ai pensĂ© « donc, ça, c’est pour l’audience et le bouche Ă  oreille. En mĂȘme temps, avec deux bogosses pareils, ce serait dommage de s’en priver Â» et puis rapidement, j’ai compris l’utilitĂ© de ces scĂšnes. Pour bien comprendre que c’est l’acte sexuel qui est condamnĂ©, il faut le montrer. Aussi bien dans la splendeur de son romantisme que dans la cruditĂ© de sa bestialitĂ©.

Le racisme envers les noirs est Ă©galement largement Ă©voquĂ© dans cette adaptation, et ce n’est pas innocent dans la mesure oĂč les oppresseurs sont comme toujours les mĂȘmes que ceux que l’homosexualitĂ© rĂ©vulse
 🙄

Autre point intĂ©ressant de cette mini-sĂ©rie : le cassage systĂ©matique des codes manichĂ©ens habituels dans la construction des personnages et de la narration. Dans Fellow Travelers, les hĂ©ros comme les mĂ©chants ne sont pas tout blancs ou tout noirs. Un personnage que nous classons du cĂŽtĂ© des gentils pourra commettre des actes que nous jugerons mauvais, de la mĂȘme façon que nous pourrons trouver certaines circonstances attĂ©nuantes Ă  un personnage indiscutablement mauvais. Tout en devient tellement plus crĂ©dible et rĂ©aliste


Comment ne pas mentionner aussi la qualitĂ© de la photographie dans cette sĂ©rie. Avec les costumes, dĂ©cors et maquillages, tout cela permet Ă  Fellow Travelers d’ĂȘtre Ă  la hauteur des plus grandes fresques historiques hollywoodiennes. Est-ce que j’oserais dire un Autant en emporte le vent Ă  la sauce queer ? đŸ€“

Ceux qui me connaissent savent que je suis addict aux gĂ©nĂ©riques. Celui-ci est un vrai petit bijou. Bien Ă©videmment, je l’ai dĂ©jĂ  capturĂ© pour l’ajouter Ă  ma collection.

Fellow Travelers - Opening titles

Comme ce papier n’est pas une critique, je vais volontairement taire les quelques dĂ©fauts, et je vous laisse avec la bande-annonce en guise de derniĂšre recommandation.

Est-ce que je viens d’ajouter le roman de Mallon dans la pile-Ă -lire de ma tablette ?
Oui, absolument
 📖 

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