Pantone : Le Blanc

Blanc

"Le blanc, c'est l'absence de couleur" diront certains. "Mais non, au contraire, c'est la somme de toutes les couleurs" diront d'autres. Les deux points de vue se défendent dans la mesure où on parle de synthèse additive ou soustractive. Pour ma part, le blanc est une couleur à part entière (au même titre que le noir) avec, comme pour les autres teintes, une symbolique qui lui est propre. Une particularité cependant : le blanc ne fait pas dans la nuance. Ajoutons lui ne serait-ce qu'une pincée d'une autre couleur, et déjà, ce n'est plus du blanc...

Le grand vide du blanc.
Etymologiquement, le mot blanc vient du germanique "blank" signifiant vide. C'est ici l'absence de pigment de couleur qui a primé. Et c'est également cette notion que l'on retrouve dans des expressions comme "une nuit blanche" parce que sans sommeil, "une balle à blanc" qui n'a pas de poudre, "un chèque en blanc" sans montant, et "j'ai un blanc" pour le trou de mémoire.

Du vide à une (pseudo) neutralité.
En temps de guerre, quand ils souhaitaient un cesser le feu, les négociateurs s'avançaient avec un drapeau blanc. Visuellement, ils abandonnaient les couleurs de leur camps et signifiaient ainsi qu'ils étaient prêt à parlementer la paix ou à se rendre. Reconnu comme tel par les accords de Genève, il est ainsi devenu la couleur de la paix (puisqu'il ne représente aucun belligérant). Ce n'est donc pas un hasard, si l'oiseau qui la symbolise est la colombe.
On en parle aussi beaucoup en ce moment, le fameux bulletin blanc lors d'une élection. Un vote reconnu comme vide de sens (alors que...). Là encore, c'est l'absence de pigment de couleur (quand tous les partis politiques ont une couleur emblématique) qui a poussé le blanc vers la nullité. Il ne soutient personne, donc il est nul. Le blanc sert ainsi à exprimer l'absence ou l'abandon de prise de position, ou le consensus.
Pourtant, le blanc n'a pas toujours été synonyme de neutralité. Loin de là. C'était avant tout, la couleur du drapeau du Royaume de France jusqu'en juillet 1830. Très longtemps il a donc servi à symboliser la monarchie. Ce même blanc qu'on trouvait sur les visages de l'aristocratie qui se poudrait (ou plutôt s'enduisait) la face pour montrer qu'elle n'avait pas le teint hâlé des paysans. Puis les travailleurs ont rejoint l'ombre des usines. Les bourgeois sont alors partis se faire dorer la pilule au soleil. Mouvement inverse avec l'apparition des congés payés et la facilité des transports, le soleil est à porté de tous et le bronzage excessif devient vulgaire pour ceux qui le glorifiaient.
Le blanc a également permis l'opposition entre les classes de salariés avec les fameux "cols blancs" qui contrastait avec le bleu des salopettes des ouvriers...
Pas si neutre que ça en fait...

Du vide à la pureté.
Toujours à partir de la thématique de l'absence, on arrive par extension à celui de la pureté (parce qu'exempte de souillure).
On retrouve ici le linge de maison. Les draps et sous-vêtements de nos grands-parents se devaient d'être blancs. Pour des raisons pratiques d'abord. En les faisant bouillir pour les nettoyer, les autres couleurs auraient terni. Et culturellement ensuite, puisque le blanc était assimilé à la propreté et qu'il était impensable de montrer qu'on avait une hygiène douteuse en dormant dans des draps qui n'étaient pas d'une blancheur irréprochable. Le passage vers du linge et draps de couleur s'est fait en douceur avec les rayures de couleurs qui venaient subtilement le trancher ou les tons pastels. Aujourd'hui nous nous sommes affranchis de ces carcans (merci aux lessives qui "lavent plus blanc que blanc" – vous voyez, c'était bien une obsession), mais l'expression demeure toujours avec "le mois du blanc" pour les soldes sur le linge de maison...
Et comment parler de pureté sans mentionner la robe de mariée. Blanche pour signifier la virginité de la promise. Et pourtant, ceci n'est apparu qu'au XIIIem avec l'institution du mariage chrétien (dans de nombreux pays d'Asie ou d'Afrique, le blanc est davantage la couleur du deuil que du mariage) et des valeurs morales que cela impliquait. Avant et pendant longtemps, la jeune épouse était fréquemment en rouge. Depuis quelques années, comme nous ne sommes plus à cheval sur le "jamais avant le mariage", on voit revenir des robes de couleurs, d'abord des tons pastels et puis carrément des violets sombres et autres. Reste la tradition et le rêve de princesse des petites filles...
Qui dit virginité dit innocence. Blanc est donc la couleur par excellence des layettes. Avant de connaître le sexe de l'enfant et de les affubler de grenouillère rose ou bleu, les grands-mères tricotent du blanc (neutre encore une fois). Un bébé c'est pur, c'est innocent et c'est blanc.

Le blanc lumineux.
C'est la couleur qui est le plus communément attribuée au divin. Certainement parce que la lumière vient des cieux là où (les) Dieu(x) siègerai(en)t. On retrouve donc le blanc sur les ailes des anges, l'immaculé conception, mais aussi sur les robes de curés pour les cérémonies, et sur celle du Pape (même si ce n'est pas toujours le cas). Ah oui, il y a aussi les tenues des sectes et des groupuscules qui se réclame d'un gourou ou d'un meneur...
Tellement lumineux qu'il peut parfois fatiguer. Le blanc c'est la luminosité absolue. Un bombardement intense qui vient vous exploser la rétine. Le blanc peut être aveuglant. Voilà aussi pourquoi j'ai opté pour l'absence de blanc sur ce blog. Après une journée de labeur derrière mon écran, j'ai les yeux explosés, un texte en noir sur un fond blanc me fatiguera davantage que l'inverse. Le sombre m'est plus reposant.

Le blanc angoissant.
A mes débuts dans le graphisme, je partais d'une page blanche que je remplissais de couleurs jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. J'utilisais surtout le blanc pour les textes. Nous raisonnons encore souvent comme cela, parce qu'on attend ça de nous. Heureusement, Apple est venu avec une communication différente en exposant ses produits sur fond blanc. Ingénieux. Cela lui permet de se distinguer des autres, et également pour signifier que le produit suffit à lui-même, pas besoin de le mettre en valeur par un habillage trop créatif... Mais rare sont les clients qui acceptent l'idée du minimalisme.
Alors vient l'angoisse du vide, la célèbre angoisse de la page blanche (commune aux auteurs également).
Pour ma part, j'ai résolu le problème en changeant les préférences de mon logiciel. Je n'ouvre plus par défaut un document avec un fond blanc, mais avec un fond transparent. Libre à moi de combler le vide avec du blanc si tel est mon souhait.
Le blanc peut effrayer aussi différemment. S'il est la couleur des poupons, il est également celui de la vieillesse. Ça commence par les cheveux blancs, éventuellement les chambres d'hôpitaux, et puis cette lumière blanche qu'on dit voir au dernier soupir... Du blanc de la naissance à celui de la mort, la boucle est bouclée et notre vie a été un voyage sur le spectre chromatique...
Bien évidemment, il n'y a pas qu'à la fin de sa vie qu'on risque de côtoyer le milieu hospitalier. Même s'il a le blanc de l'hygiène médicale, notre subconscient garde surtout la thématique de la maladie en mémoire. Le blanc peut aussi être associé à la folie avec les chambres capitonnées et les camisoles...
Les autres couleurs rassurent.

Quelques repères pour DomChou, mon daltonique préféré :
Blanc, c'est donc la couleur de la colombe de la paix, des langes de bébés, des classiques robes de mariées, de la lumière, du curé à la messe, du cachet d'aspirine mais aussi des dents des stars du cinéma, des toilettes et des baignoires (encore que...), de la blouse du boucher, des fantomes, du coton, de l'edelweiss, de la neige et de la banquise (ah oui, j'ai oublié de parler du blanc couleur de froid qu'il partage aussi avec le bleu), du sel, de la farine et du lait et surtout de la chantilly !
Et si tu préfères les chiffres, utilise un des codes suivants dans ton logiciel :
Hexa : #FFFFFF / RVB : 255, 255, 255 / CMJN : 0, 0, 0, 0

En résumé, choisissez le blanc pour exprimer :
Le vide, la neutralité, la paix, le consensus, la pureté, le divin, la sagesse, l'innocence
Mais aussi la vieillesse et l'angoisse...
Ou osez et faites comme il vous plaît...

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Billet #5 de la série Pantone

 

NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.

Ce billet a reçu les commentaires suivants :

 Olivier Autissier :
Mais le blanc demain ne servira à rien. Message subliminal ? clin d`oeil

Peio :
"Ajoutons lui ne serait-ce qu'une pincée d'une autre couleur, et déjà, ce n'est plus du blanc..." Et le blanc cassé ? Le blanc crême ? Le blanc nuage ? Ne demeurent-ils pas des blancs (enfin pour Ripolin) ? rire

orpheus :
Olivier > Il ne servirait pas à faire le bien, ça c'esr certain.
Peio > Si on rajoute du noir, du jaune ou du bleu pour faire du cassé, du crème ou du nuage ce n'est plus du blanc. Enfin, de mon modeste point de vue, ce sont déjà des teintes de gris, jaune et bleu.

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