Programmer pour croire
mercredi 21 septembre 2005, 12:00
Il y a quelques semaines, petit tour aux toilettes chez mes parents. Là, je tombe sur un numéro de Sciences Et Vie (mon père ayant transformé ce petit coin d'aisance en coin lecture!). La couverture attire particulièrement mon attention. Une photo d'éclipse sur laquelle vient s'incruster le gros titre suivant : "Pourquoi Dieu ne disparaîtra jamais". N'étant pas un fana de lecture sur trône, j'ai embarqué après ma petite affaire le mensuel au salon pour me plonger dans ce dossier.
Je découvre donc l'existence de la Neurothéologie, un joli nom pour définir la science chargée d'identifier les relations entre notre boîte crânienne et la croyance en un dieu. On pourra noter que dans l'expression "Croire en Dieu", c'est le terme Dieu que l'on retient et qui suscite de houleux débats entre ceux qui ont la foi et ceux chez qui elle fait défaut. Dans ce conflit, on en oublie jusqu'au verbe CROIRE. Et c'est pourtant là que tout se joue: Nous serions biologiquement programmés pour croire.
Les études de neurobiologistes démontrent que le processus de croire en dieu ne vient pas du Très-Haut mais de notre propre cerveau. Analyse biologique et cartographie de l'activité cérébrale à l'appui, j'apprends que la Sérotonine (une molécule dont l'action de neurotransmetteur est déjà identifiée dans les fonctions de faim, soif et de sommeil) joue un rôle capital dans le fait de croire en dieu.
Une étude à l'Université de Stockholm en Suède montre que les récepteurs 5HT1A régulent la quantité de sérotonine libérée dans notre cerveau. Plus ils sont faibles, plus le taux de sérotonine est important. Après observation d'un panel de volontaire, ils sont arrivés à la conclusion que le sentiment de religiosité était d'autant plus élevé que les 5HT1A étaient faibles. Plus la sérotonine est présente plus l'homme est disposé à croire, à être "enclin à appréhender les difficultés de la vie en développant l'idée qu'une présence divine existe dans le monde".
Cela suffit-il pour présenter la sérotonine comme molécule de la foi? Certes, mais pas seulement. Une autre étude allemande implique d'autres neurotransmetteurs, les opioïdes connus pour leur implication dans la sensation de douleur et de gestion de la peur.
Par ailleurs, une expérience d'imagerie cérébrale réalisée en Pennsylvanie montre un ralentissement de l'irrigation sanguine d'une zone du cerveau (le cortex pariétal supérieur) lors de profondes méditations. Cette zone du cerveau permet à l'homme de différencier son corps de l'environnement et de s'orienter dans l'espace. "Ce qui impliquerait, lorsque son activité se ralentit, l'émergence d'altérations de la perception spatiale et de la sensation de fusionner avec l'Univers".
Et hop, tous les chercheurs s'engouffrent dans la brèche. C'est au tour des généticiens d'ajouter leur pierre à l'édifice. Une étude de l'Université du Minnesota suggère qu'il y aurait un terrain génétique favorable au sentiment de religiosité...
Il semblerait donc que l'être humain soit naturellement disposé à croire en l'existence d'une présence divine.
Je vais me faire deux secondes l'avocat du diable, heu, non, pardon, de Dieu! Tout ceci montre en effet que nous avons un terrain favorable. Nous sommes disposés à croire. Cela ne démontre en rien l'inexistence d'un dieu.
Un croyant pourrait très bien dire que Dieu a créé l'homme ainsi pour qu'il puisse avoir conscience de son créateur. La Grande Question Existentielle n'a donc toujours pas de réponse définitive et irréfutable.
J'interromps également ma lecture pour m'interroger sur l'utilité de cette molécule et le fait d'être programmé pour croire. J'ai toujours pensé que le corps humain était une magnifique horloge où chaque élément, organe, hormone et autres avait son utilité essentielle. Alors pourquoi serions-nous équipés pour croire en Dieu?
Un autre article répond à cette question. Agissants comme des anxiolytiques, les sérotonines, opioïdes et autres permettent de rassurer l'homme. Des statistiques effectuées à l'Université de Caroline du Nord montreraient même que les croyants vivraient en moyenne 29 pour cent plus longtemps que les athées (ça me paraît énorme! A la rigueur deux trois ans de plus, je veux bien...). La raison serait les réponses apportées par les religions aux questions fondamentales telles que le sens de la vie, les origines ou l'angoisse de la mort. Là où le non-croyant doit assumer seul le grand vide de l'inconnu, le croyant est épaulé par le discours religieux.
En résumé, le corps humain développerait des substances anxiolytiques lui permettant de mieux appréhender son existence et donc d'accroître sa longévité. L'instinct de religiosité s'apparenterait alors à celui de survie. Et Dieu pourrait être alors une création de l'esprit pour permettre à l'homme de vivre plus sereinement et longtemps.
En refermant le Sciences Et Vie, je m'interroge encore sur l'évolution de la croyance au cours d'une vie. Moi, par exemple, j'étais farouchement non-croyant, pour glisser vers un athéisme plus pacifiste et arriver aujourd'hui vers l'agnostisme. Cela signifierait-il que mes récepteurs 5HT1A varient en nombre/force avec le temps?
Et si à 70 ans (glups!), je deviens croyant, est-ce que ce sera parce que mes 5HT1A se seront si affaiblis que mon cerveau baignera dans la sérotonine? Serai-je victime d'un dérèglement moléculaire ou est-ce que ce sera l'angoisse de la mort qui me poussera à croire en Dieu pour me rassurer?
Une dernière question : ou puis-je faire mesurer mes 5HT1A et mon taux de sérotonine ?
( source : Sciences Et Vie - numéro 1055 - Août 2005
NB : N'étant ni chercheur, ni scientifique, je vous 'recrache' ici ce que j'ai retenu/compris de ces articles en l'accompagnant de ma modeste réflexion sur le sujet. Qu'on n'hésite pas à me signaler une erreur scientifique de ma part...)
NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.
Ce billet a reçu les commentaires suivants :
Pascal :
Science & Vie n'a jamais brillé par sa rigueur scientifique, mais plutôt par sa capacité à transformer n'importe quoi en titres racoleurs et en articles approximatifs... Méfiance, donc.
Par exemple, de nombreux articles sur l'effet placébo montrent que la prière n'a aucune incidence sensible sur le taux de guérison de maladies graves ; certes ce n'est pas exactement la même chose, mais ça relativise un peu le chiffre comme quoi les croyants vivraient 29 % plus vieux que les athées...
Sinon, le taux de sérotonine a plutôt tendance à baisser avec l'âge, c'est même la principale raison de l'apparition des dépressions (fréquentes) chez les personnes âgées. Donc on devrait au contraire être de moins en moins croyant !
Orpheus :
Pascal : Dans la mesure où je comprends le contenu, je me doute que S&V n'est pas une revue scientifique pure et dure! On va dire que j'ai une petite sympathie pour leur côté vulgarisation de la science.
Et comme pour tous les médias d'information (presse, radio, JT...), j'essaye de toute façon de garder un oeil critique, d'essayer de voir ce qu'on veut me faire penser et pourquoi...
Je vous ai donc épargné certaines démonstrations un peu trop 'capilotractées' et n'ai pas pu m'empecher de nuancer le fameux 29% également. Je me demande qui pourrait croire que la prière "soigne" les maladies graves (ou bénines) d'ailleurs!?!
Maintenant si en effet les couv' et titres sont accrocheurs à outrance, je pense qu'ils jouent là le jeu de la presse en général. Ils ne sont pas là pour la science mais pour vendre du papier, non?
Ozz ;
Je suis assez séduit par le fait d'une prédisposition à croire naturelle chez l'homme.
La conséquence est que les religions deviennent une création de l'esprit. L'idée est loin d'être neuve, mais chaque élément allant dans ce sens me plait bien.
David :
Encore une fois, c'est n'importe quoi. Comment des millions de croyants peuvent ils se tromper tous ensemble et être victime d'une molecule dans leur cerveau !
Dieu existe, nous l'avons rencontré. Ne nous traitez pas de fou parce que vous n'avez pas eu cette chance.
Vous verrez le moment venu.
lalie :
Salut
Je ne sais pas si le fait de croire en Dieu ou pas provient d'une molecule produite par notre esprit, cela dit si cela provient d'une molecule servant a rassurer l'etre humain cela me semble alors normal quil ai pu croire en un Dieu! cela dit je te remercie de nous avoir transmit cette hypothese! je vais me procurer ce S&V et reflechir un peu a ca!
Lo :
Ben moi, désolé, mais j'ai épuisé toute ma sérotonine pour les activités pour lesquelles on lui reconnait déjà un rôle : soif, faim et sommeil. Tant pis pour la croyance!
Kliban :
Merci pour ce beau post.
A mon sens, il y a deux questions qui se posent. Une question scientifique : la démarche de l'objectivité dans les sciences demande à ce que l'on fasse tout son possible pour rendre compte d'un phénomène observable à partir d'autres phénomènes observables éventuellement coordonnés par une loi de causalité effective - pas de causes finales, entre autres. Donc si l'homme croit en Dieu, s'il est attiré par la méditation, etc., cela doit pouvoir être expliqué par la seule structure scientifiquement susceptible de supporter ce type de phénomène : son corps. Soit, en particulier, son cerveau.
Puis une question éthique : à quoi nous sert ce savoir sur nous-même ? C'est là que tout se complique. Parce que pour certains, admettre que leur "je" est programmé à croire et donc que Dieu pourrait n'être qu'une idée, relève d'une atteinte à l'intégrité de leur système de croyance justement. Le fait est qu'il ne suffit pas de croire : on croit toujours en quelque chose. Et, sauf cas rares, le fait que la croyance soit dirigée sur ce quelque chose est une condition nécessaire pour bénéficier des bienfaits qui sont ceux de la croyance - rassurance, extases, etc.
Cesavoir-là, dans un contexte très ambivalent à l'égard des religions, est susceptible d'une récupération idéologique. Comme tu le notes fort bien : il est impossible d'en déduire l'existence ou l'inexistence d'une entité "Dieu". Mais on peut être tenté, sous prétexte d'importer le rasoir d'Occam méthodologique des sciences dans le débat philosophique, de militer pour une preuve supplémentaire de l'inexistence d'un vieux barbu entouré d'éclairs - on dirat Sarumann !
Il ets fort probable que Dieu n'existe pas. C'est mon credo, et il est essentiel que je l'indiques, pour que le débat soit clair. Mais il me semble par contre qu'on ne peut pas dire qu'il soit rien. Dieu est quelque chose. Au moins une idée. Des objets qui ne sont pas des objets du monde - les concepts mathématiques, etc., certaine tradition philosophique tend à dire qu'ils subsistent, non qu'ils existent. Dieu est au moins un objet subsistant.
Est-ce suffisant ? Sans doute pas. Parce que Dieu est l'objet d'expériences qui ont valeur de rencontre personnelle : on appelle, Il répond. Du point de vue d'une objectivité de type sceintifique, on peut expliquer cela - et on l'expliquera un jour sans doute - par une certaine configuration du fonctionnement cérébral, pas par une rencontre effective entre deux entités - et c'est heureux, sinon, si Dieu existait pour la science, il serait fait de matière... Du point de vu edu penseur on peut manipuler le complexe e cette expérience, dans laquelle, pour celui qui la fait, un "quelque chose" est présent, qui répond. Pour le penseur, ce "queqlue chose" est un objet subsistant. Mais pour celui qui fait l'expérience ? S'il est un tant soit peu imprégné des méthodes de la science et de la philosohie, il sait que ce n'est ni n existant, ni un sibsistant. J'appelle ça, parce qu'il faut bien un mot, un insistant. Dieu insiste. C'est l'objet qu'il nous faut parfois bien placer au bout de certaines expériences personnelles. Mais cet objet n'est ni une chose du monde, ni un concept.
Bien des problèmes dans la discussion sur Dieu seraient évités, si l'on y usait un peu plus de ces trois façon d'être (exister/subsister/insister) - toutes problématiques qu'elles sont certainement. Le non-croyant ne connaît de Dieu que le subsistant, le croyant voudrait y projeter l'existant. Mais l'insistance de Dieu ne se laisse réduire ni à une existence sous une certaine forme non-matérielle (cela n'a aucun sens et relève, je pense, d'erreurs de catégories), ni à sa seule subsistance conceptuelle, philosophique ou idéologique.
Orpheus :
Ozz > Ouais, ce n'est pas neuf.
David > Je n'ai rien à répondre à cela. Ou plutôt si, mais j'ai une autre molecule qui me dit qu'il est plus convenable de garder le silence.
Lalie > De rien - Bonne lecture et reflexion
Lo > Voilà une réponse que je réutiliserai quand un croyant me demandera un peu trop sauvagement pourquoi "je ne crois pas"!
Kliban > Ta dernière partie est TRES intéressante et explique beaucoup de conflits en effet. Je note cela precieusement dans mes tablettes.
waidh mina :
synthese de la serotonine
la serotonine est un neurotransmetteur synthetise dans le noyau du raphe du tronc celebrale .elle derive d'un acide amine qui est le tryptophane .en presence d'une enzyme appellee tryptophane -hydroxylase , le tryptophane se transfome en 5-htp puis en presence d'une autre enzyme elle se transforme en serotonine
Orpheus :
waidh mina : On va dire que je te crois sur parole...
Quentin :
Une envie de faire les tests!
Je suis passionné par ce sujet de discution merci de nous l'avoir fait partager, ton article est très bien écrit.
Etant anti-religion (des expériences personnelles m'ont montré que la science avait souvent raison) je ne puis que me poser des questions à ce sujet!
En fait, je meurs d'envie de connaitre mon taux de sérotonine...
une phrase un peu hors-sujet, mais qui néanmoins peut trouver sa place ici:
La religion, depuis....très longtemps dira-t-on, avance des propos, sans aucun fondements, aucunes preuves.
La science elle, des preuves, elle en trouve. A mediter
NDLR : Les commentaires sur les réseaux sociaux ont tendance à se perdre avec le temps dans les limbes des internets. Pire encore, selon le sujet, ils risquent d'attirer les trolls en tout genre.
Dans la mesure du possible, merci de privilégier l'expression de vos pensées ici sur ce blog, où le texte est publié dans son intégralité, plutôt que sur les réseaux sociaux. Et je me ferai un plaisir d'y répondre !