Tolérance un peu rance

Hier, je recevais mon premier commentaire d'insulte! Ça fait bizarre.
J'avais posté un long texte (La Belle au Bois Dormant) sur le monde qui part en vrille. Au milieu de celui-ci, un paragraphe parlait du manque de tolérance des communautés opprimées. Je citais en exemple le mot "goy" qui qualifie un non-juif et qui n'est pas employé de façon très valorisante. Cela a suffit à vexer Mikael. J'aurai pu lui demander de m'excuser. J'ai choisi de développer ce point.

A l'époque des premiers dérapages de Dieudonné chez Fogiel, je travaillais à LaCorp. Une pme dont la masse salariale se divisait ainsi : 5 juifs (dont la direction) et 5 non-juifs. Comme on peut le comprendre, le lendemain, le "comique" a été verbalement lapidé pour ses propos antisémites. Et chacun réclamait des sanctions pénales à son égard.

Mon homosexualité n'a jamais été un secret au sein de l'entreprise et a donné lieu à de charmantes petites conversations autour de la machine à café... Extraits.

Ylana : Moi, je n'ai rien contre l'homosexualité, d'ailleurs, j'ai mon meilleur ami qui est homo. Maintenant, je dois te dire que si un jour j'ai un fils et qu'il m'avouait qu'il est pédé, je serai malheureuse.
Moi (arrivant à rester calme) : ah oui, et pourquoi cela?
Ylana : Ben, j'aurai l'impression d'avoir fait une bêtise. Et puis j'ai peur qu'à l'école juive, les autres se moquent de lui.
Moi (toujours très calme) : Tu sais, l'homosexualité n'a rien à voir avec l'éducation qu'on a reçue de ses parents. Enfin, c'est ce que je crois. Et puis, ce n'est pas dit que son homosexualité se révèle dès l'école. Il peut en prendre conscience plus tard.
Ylana : Ouais, mais quand même.

Je me méfie toujours quand j'entends "Moi, je n'ai rien contre cela, mon meilleur ami est comme ça". Généralement, on s'aperçoit que c'est la porte ouverte aux pires choses, comme si le fait d'avoir un meilleur ami différent donnait le droit de penser n'importe quoi.
Pour ce qui est de la tolérance vis-à-vis de l'homosexualité, les propos d'Ylana ne sont pas propres à la communauté juive. N'importe quelle mère peut tenir ce discours intolérant.

Yaron : Tu as été à la Gaypride samedi? C'était bien?
Moi : Ouais, j'ai les photos. Tu veux les voir?
Yaron : Non, c'est bon, j'ai vu le journal télé.
Moi (un peu filou quand même) : Ils ont montré le char du Beit Hevarim ?
Yaron : Le quoi ?
Moi : Le char du Beit Hevarim. L'association des homos juifs.
Yaron : Ils ont un char? Non!
Moi : Ben si. Pourquoi pas.
Yaron : Tu l'as en photo? Fait voir si je reconnais quelqu'un, que je le dénonce.
Moi (mensonge) : Non, je ne l'ai pas pris en photo.

J'avais déjà beaucoup apprécié le "avouer son homosexualité" dans les propos d'Ylana qui sonne un peu comme "confesser un crime". Le "Que je le dénonce", remporte la palme!
Mais revenons à Ylana, qui continue à fantasmer sur les réactions d'un fils qu'elle n'a pas encore.

Ylana (qui revient d'un mariage) : C'était très bien. Un grand mariage dans la tradition. Je veux que celui de mon fils soit exactement comme celui-là.
Moi (perfide) : Sauf s'il tombe amoureux d'une chrétienne ou d'une musulmane, bien sûr. Auquel cas, ce sera à l'église ou à la mosquée!
Ylana : Arrête! Parle pas de malheur. Comment je serai trop malheureuse si mon fils n'épouse pas une juive.
Moi : Pourquoi? Si ton fils est heureux! Tu ne veux pas son bonheur?
Ylana : Si mais... Je sais ce que tu vas me dire... Tu vas dire que je suis intolérante.
Moi : En effet. Mais, c'est déjà bien que tu t'en rendes compte.
Ylana : Mais, ce n'est pas pareil, c'est un détail ça.
Moi (agaçé) : Ah oui, je trouve que c'est très révélateur au contraire. Et puis méfie-toi du mot "détail", il a déjà été employé dans des discours pas très joli joli et bien discriminatoire...

J'espère sincèrement qu'Ylana aura un gentil petit fils qui ne sera pas pédé et qu'il épousera une jolie juive. Pas tellement pour le bonheur d'Ylana, mais plus pour la santé mentale du gamin. Je n'aurai vraiment pas aimé être son enfant. Suicide garanti.

Je repensais également à Z_. Sur le point d'épouser R_ de même confession que lui, il avait rencontré V_, une jolie chrétienne. Son sentiment pour V_ était tel qu'il se posait la question de remettre son mariage en question. Il m'en avait fait part. "Ce n'est même pas la peine d'y penser. Si je quitte R_ pour V_, mon père me déshérite et ma mère se tue!" m'avait-il dit en riant...

Je pourrai continuer ainsi avec d'autres remarques, dont celle d'un client qui s'étonnait de l'importance que j'avais dans cette société en dépit du fait que je sois un "goy", ou encore des petites réflexions comme "tu ne peux pas comprendre, tu n'es pas juif"...

Pour finir, je voudrais élargir un peu et revenir sur la différence de considération des politiques pour ce qui est des insultes à l'égard des religions et de l'homosexualité. Hier deux nouveaux actes racistes et condamnables ont encore été perpétrés. L'un sur le wagon mémorial de Drancy, l'autre sur la Grande Mosquée à Paris. Sarkozy et Dominique de Villepin se sont empressés de condamner ces actes en disant que "tous les moyens seront mis en œuvre afin de retrouver les auteurs". Je l'espère, même si je doute qu'ils y parviennent.
Quelques semaines plus tôt, le député UMP Christian Vanneste tenait des propos homophobes d'une rare violence. "L'homosexualité menace la survie de l'humanité", "L'homosexualité est un comportement raciste" sont deux phrases que je cite ici parmi le nombreux flot de conneries déversées. Sous la pression des associations homo, Sarkozy a finalement consenti à donner un blâme à son député alors qu'il aurait été plus approprié qu'il le congédie (comme le réclamaient les assoc'); ne serait-ce que pour être en accord avec sa position sur les discriminations ou sur le décret contre l'homophobie (qui comme on s'en doutait, ne sert bel et bien à rien!).
On me dira "ce n'est pas pareil, tu ne peux pas comparer". Et bien si, je peux. Insulter un citoyen pour sa religion ou son orientation sexuelle relève pour moi de la même étroitesse d'esprit et de la même importance. C'est porter atteinte à l'identité même de l'individu. Et ce quel que soit le passé de chacun.

Je parle ici principalement de comportement au sein de la communauté juive parce que c'est celle que j'ai côtoyée de près pendant deux ans. Maintenant, je suis conscient qu'il ne faut pas généraliser les propos de quelques personnes à toute une communauté. Je pourrai également citer de nombreux exemples de juifs tolérants. Et surtout, je suis certain que je peux entendre les mêmes propos dans toutes les autres communautés religieuses ultra-pratiquantes.
Je trouve cela dommage dans la mesure où dans les textes, je pense que le judaïsme est une des religions les plus tolérantes. Au lycée, je me souviens avoir étudié un peu les trois religions monothéistes en cours de philo et j'avais été agréablement surpris en apprenant que dans la Thora, la religion juive accueillait dans son paradis le chrétien comme le musulman parce qu'ils étaient "Les peuples du Livre". Encore une fois, la tolérance des textes religieux est en décalage avec la pratique de certains. C'est toute la différence qu'il y a entre théorie et pratique.

Je suis certes chagriné de constater l'intolérance de tels propos. J'aimerai tellement que les hommes arrivent à se foutre des différences du voisin. Par contre, je suis agacé de constater que certaines personnes (peu importe leur religion, nationalité, orientation sexuelle ou autre) demandent de la vigilance et exigent des sanctions, alors qu'eux-mêmes ne font pas l'effort d'être tolérant.
C'est ce décalage qui m'horripile.

NotaBene :
Ce billet a été initialement publié sur la première version du blog.

Ce billet a reçu les commentaires suivants :

cossaw, grand spécialiste en rien :
Je crois que tu vas un peu trop vite en parlant de ton ex-collègue qui rêve déjà de son enfant et de son futur. Tous les parents font ça et espère que leurs enfants suivroint leur désirs voire leurs pas... la mère juive n'est ainsi pas bien différente de la mère musulmane, chrétienne voire athée convaincue. Qunt à avoir des enfants homos, je ne pense pas que des parents hétéros soient capables de le prendre bien... tu comprends, ils ne sont pas pédés (je sais, mauvais humour).
J'ai pu constater que le sentiment resenti de discrimination pouvait être si fort que des gens vont à leur propre tour discriminer. C'est tout aussi valide dans les cités comme dans les bars pédés où les lesbiennes par exemple ne sont pas les bienvenues (voire les pédés en dehors d'un certain type précis...).
Comme souvent, j'explicite sans valider ces modèles... le gros problème pour moi est dès que des gens sous prétexte que tu appartiens ou non à un profil (hum...) vont déterminer si ta valeur est grande ou non, sans autre procès. Là où un diplôme sera un gage de valeur technique, par exemple, un certificat de baptême ne servira à rien... sauf chez des racistes !

Orpheus :
Tout à fait d'accord avec toi !
C'est bien pour ça que j'écris :"Pour ce qui est de la tolérance vis-à-vis de l'homosexualité, les propos d'Ylana ne sont pas propres à la communauté juive. N'importe quelle mère peut tenir ce discours intolérant."
Egalement d'accord avec toi quand tu parles des rejets au sein de la communauté homo. Tu cites à juste titre certains bars à l'égard des lesbiennes ou de certains types de pédés. Rappelons-nous qu'il n'y a pas si longtemps encore les bi étaient mis à l'index par les homos comme étant des pédés refoulés ou des profiteurs qui mangent à tous les râteliers. Si aujourd'hui ils sont assez bien acceptés, les trans, elles, ont encore un bout de chemin à faire.
Il y a le syndrome de Stockholm pour l'otage "qui en pince" pour son oppresseur. Je me demande s'il existe un nom pour le syndrome du discriminé qui discrimine à son tour.

Sekhmet :
Je me souviens au lycée d'une discussion entre un élève et une prof d'anglais, tout deux arabes et musulmans, au sujet de l'homosexualité. Alors que l'élève condamnait sans réserve, la prof a tenté de lui expliquer que si quelqu'un devait faire preuve de tolérance, c'était bien lui, puisqu'il réclamait la tolérance pour lui-même. Je ne crois pas qu'il ait été convaincu.
Le chemin sera bien long...

Orpheus :
En effet, comme quoi le phénomène touche bel et bien toutes les minorités discriminés...
J'ose à peine imaginer l'état d'esprit d'un élève homo qui entend les arguments de son camarade de classe...

Mikael :
Tu persistes donc. Je t'efface de m liste. Tu perds un lecteur.

Orpheus :
Mikael > Pour le souci de l'audience, c'est sur TF1 et ailleurs qu'il faut aller...
Ici, je n'ai que celui de la sincérité.
Maintenant, je ne vois pas pourquoi je m'efforce de te répondre puisque tu ne me liras pas!

Pascal :
Euh, là, je suis terrifié. Ce type n'a manifestement rien compris à aucun de tes deux billets, son argumentation se limite à "tu as tort" sans plus de développement, et il ne prend même pas la peine de répondre à tes objections. Mais je suppose que si je dis que c'est un abruti, il va me taxer d'antisémitisme ?

Orpheus :
Pascal > Je n'osais le dire clin d`oeil
Mais bon, venant de quelqu'un qui a le courage de signer ses commentaires par anonyme@anonyme.fr, il ne faut s'étonner de rien !

igreee :
Ce phénomène du discriminé discrimineur est hélas vieux comme le monde. Je me souviens avoir été a une rencontre inter-associations sur le thème "qu'ont en commun les combats des gays, des femmes, des anti-racistes, etc...".
En gros, après avoir compris/affirmé que les ressorts des différents bourreaux étaient les mêmes, ca avait fini par "que chacun s'occupe d'abord de son cul. si je défends *aussi* mes voisins je ne serai plus crédibles face aux miens"...
Triste, très triste triste

Orpheus :
Igreee > En effet c'est bien triste triste
Je continuerai tout de même à m'insurger contre toutes formes de discriminations, même si je ne suis pas personnellement concerné.
Tu connais peut-être cette petite histoire :
"Un jour, ils sont venus chercher les noirs. Moi, je m'en fout, je ne suis pas noir.
Un jour, ils sont venus chercher les juifs. Je m'en fout, je ne suis pas croyant.
Un jour, ils sont venus chercher les femmes. Je m'en fout, je suis un homme.
(...) Un jour, ils sont venus me chercher. Et là, il n'y avait plus personne pour me défendre..."

Mikael :
C'est navrant. Il n'y a personne pour relever l'antisemitisme nauseabond qu'il ecrit. Vous etes bien tous abjects.

Orpheus :
Mikael > Ton dernier commentaire est le premier que j'ai failli censurer.
Que tu t'en prennes à moi, ça encore, je veux bien le comprendre. Après tout je l'ai bien cherché. Mais que sans argument, tu t'en prennes à d'autres m'exaspère un peu.
Merci à toi de t'en tenir à une de tes remarques précédentes et de me boycotter.
Ceci clos la discussion que j'ai avec toi ici.

Sekhmet :
N'importe quoi !!!
Tout le monde doit être tolérant certe. Mais les victimes de discrimination ne devraient-elles pas l'être encore plus? Or bien souvent, c'est le contraire qui se passe. Voilà le propos de ce post. Je ne vois pas d'antisémitisme là-dedans. De plus, Orpheus étant lui-même membre d'une minorité souvent discriminée, il ne va pas tomber dans le travers que justement il dénonce. On peut critiquer l'attitude d'un juif sans être antisémite pour autant. Il faut arrêter de tout confondre.

Orpheus  :
Sekhmet > Merci !

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